Comptes-rendus des soirées d’échange


Chaque année, une soirée d’échange est organisée. Lors de ces soirées, un(e) interlocuteur(e) vient présenter un sujet qui a été préalablement choisi par les parents eux-mêmes. La présentation du sujet est suivie par une séance de questions

Il s’agit d’une soirée spéciale, distincte de nos rencontres habituelles du samedi.

Sur cette page, les comptes-rendus des soirées d’échange sont rassemblés.

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Compte-rendu de la soirée d’échange du 09 juin 2023, présentée par Caroline FIERENS :

« Des ressources pour faire face »

Caroline Fierens, formée notamment en criminologie et en victimologie, accompagne le deuil dans un Service d’Assistance Policière aux Victimes et en cabinet privé.

Elle a souhaité que cette soirée se déroule dans un dialogue participatif.

 Pour elle, la mort n’a pas de sens et donc c’est dans le chemin de reconstruction personnelle qu’il faut trouver du sens, une direction à sa vie. Pour certains parents, dire d’emblée que la mort de leur enfant n’a pas de sens ferme la porte à une éventuelle possibilité d’y mettre du sens. Cette question est personnelle et en lien avec ses appartenances philosophiques. Une des mamans fondatrices de l’association témoigne du fait que la création de Parents désenfantés a donné du sens non pas à la mort de sa fille mais à sa vie.

 A une époque où tout doit aller vite, la pression sociale demande aux endeuillés de très vite reprendre une activité professionnelle, « d’aller bien », ... Or le rythme de chacun est différent. Cette injonction de la société peut être source de violence…

 Chaque personne a au départ des ressources personnelles et des ressources dans son environnement. Ces ressources sont variables selon le contexte et l’histoire de la personne en deuil.

 Les ressources sont évolutives : en effet, certaines ressources efficaces à un moment donné peuvent ne plus l’être à d’autres moments. Il est donc important de vivre dans le moment présent, d’être à l’écoute de ce qui apporte de l’apaisement.

 Des ressources :

  • Somatiques (respiration)
  • Liées à la nature
  • Intellectuelles
  • Émotionnelles
  • Créatives
  • Matérielles
  • Spirituelles

Mais aussi des ressources de survie telles que le déni, la fuite, l’évitement, la dissociation (regarder les choses de l’extérieur) : ces ressources ont un intérêt pendant un temps mais doivent être remplacées par des ressources créatives (participer à une association, écrire, peindre, pratiquer du sport, ...) qui développent notre capacité d’intégration de la situation nouvelle.

 Développer la créativité c’est aussi adapter les liens tissés à la situation présente, tisser de nouveaux liens avec son enfant.

Développer sa capacité d’écoute de soi, de ses émotions et sensations notamment grâce à la pleine conscience peut être un outil, une ressource utile.

Résumé proposé par Bernadette, Maman de Jeroen

Compte-rendu de la soirée d’échange du 29 avril 2022, présentée par Claudine PAUWELS :

« Comment ne pas rester dans l’amertume après la mort de mon enfant ? »

Claudine Pauwels, thérapeute dans l’accompagnement du deuil nous a permis de cheminer avec elle pour aborder ce sujet. Nous avons tous et toutes été touché.e.s par sa profonde délicatesse tout au long de sa réflexion. Elle nous a permis d’avoir le sentiment de faire Un dans les échanges, les dialogues intérieurs et les silences. Nous n’avons donc pas souhaité faire un résumé de cette rencontre mais plutôt vous en transmettre de larges extraits.  Encore merci à Claudine Pauwels pour sa bienveillance et son souci du partage…

Je ne souhaite en aucun cas vous donner des conseils ni rien vous expliquer au sujet du deuil car vous savez trop bien ce que c’est. Je ne souhaite pas non plus vous consoler car la douleur de perdre un enfant est inconsolable.

Je vous parle d’un lieu d’humanité profonde, d’humilité aussi, et de ce qui fait de nous des êtres humains dont le parcours est semé d’heures et de malheurs.

Et chacun.e est seul.e avec sa douleur. Car nous le savons bien, chacun éprouve le deuil de l’enfant de façon toute personnelle. C’en est parfois même désarçonnant d’observer combien chacun est différent à ces moments-là. Chaque membre de la famille, la grand-mère, le grand-père, les tantes, les oncles, chaque enfant, les amis, les proches, les collègues, … réagit à sa façon, qu’il est parfois difficile de comprendre ou même d’accepter.

Mais d’abord qu’est-ce que l’amertume ?

Au dictionnaire amertume signifie saveur amère, ou ressentiment causé par le regret ou la déception. Et le ressentiment comprend le fait de se souvenir avec amertume de quelque chose ou même du désir de se venger d’un tort, d’une injustice.

L’amertume peut aussi être ce quelque chose qui se rumine, « qui se mâche et se remâche, avec cette amertume caractéristique d’un aliment fatigué par la mastication » (Cynthia Fleury).

Perdre un enfant est injuste car ce qui est juste, ajusté à la vie, dans l’ordre de la vie, c’eut été que l’enfant nous survive. Et par rapport au déroulement naturel de la vie, le désordre, le chaos, l’impensable, s’est produit…

Il y a l’avant …il y a l’après. Entre les deux, nous savons d’expérience que la mort fait partie de la vie. Et le moment présent est tout habité par ce sentiment de perte, de tristesse et de désolation.

Tout est bouleversé. Ce bouleversement peut nous amener à porter un regard « autre » …

La mort de l’enfant est un traumatisme, une blessure qui ouvre une brèche en nous et qui touche soi, les autres, la vie.

 Un regard autre sur Soi

C’est loin d’être la première brèche. Car tous, autant que nous sommes, avons déjà connu une première séparation qui remonte à notre naissance. Bien sûr nous ne nous en souvenons plus mais le corps se souvient qu’il était un temps où nous ne faisions qu’un avec notre maman, notre papa, l’univers…dans une union très étroite, intime.

Pour grandir, il nous a fallu nous séparer de cette union initiale…et en connaître des séparations pour devenir chacun qui nous sommes. Et de rencontres en séparations, nous sommes devenus des adultes qui portons, tous, en nous la nostalgie d’un monde harmonieux. Un goût amer !

Il y a des réparations impossibles. La blessure d’avoir perdu un enfant ne se répare pas. Je veux parler de la réparation qui consisterait à retrouver la vie d’avant comme elle était. Et comme ce type de réparation n’est pas possible, la reviviscence de l’événement si douloureux peut parfois tourner en boucle, telle une obsession qui ne laisse que peu de place pour autre chose.

 « C’est seul qu’on fait son deuil, car on est seul quand on ressent On apprivoise la douleur

Et la présence de nos absents » (Grand Corps Malade).

Grand Corps Malade parle d’apprivoiser la douleur…Pas de l’enlever.

Apprivoiser l’amertume comme un goût qui désormais fait partie de la vie ?

L’important devient « comment vais-je faire avec ? »

Il était une fois …Des aborigènes qui marchaient en forêt. Au cours de leur marche, ils s’arrêtent un moment. Ils ne s’arrêtent ni pour manger, ni pour regarder quelque chose, ni pour s’asseoir et se reposer…Simplement, ils s’arrêtent. A l’ethnologue qui les accompagne et qui leur en demande la raison, ils répondent tout simplement : » nous attendons nos âmes ». Jean-Claude Carrière – Contes philosophiques du monde entier

Attendre notre âme…le temps est un facteur important lorsqu’il permet de prendre et reprendre le fil de son histoire et d’honorer le chemin parcouru. Je ne parle pas de ce temps passif mais bien de ce temps actif, qui ne se voit pas mais qui est tellement nécessaire pour relier les trois dimensions de notre histoire, le passé, le présent et l’avenir. « Ce temps pour aller récupérer au fond de l’âme et du cœur ce reste d’énergie psychique pour le remettre en mouvement » (Cynthia Fleury).

Qu’est-ce que l’âme ? J’emprunte à François Cheng une « quasi- définition possible : l’âme est la marque indélébile de l’unicité de chaque personne humaine »

Aussi prendre du temps pour nous est du temps qui nous permet de retrouver notre unicité. Et désormais, s’il arrive que nous ne sachions plus vraiment ce que nous voulons, nous savons beaucoup mieux ce que nous ne voulons pas ou plus !!!

Un regard autre sur nous et les autres

Notre amertume peut aussi gagner le regard que je porte sur les autres…les amis, l’entourage, les voisins : ou ils disparaissent ou ont des visages défaits quand ils nous voient ou ils ne sont pas assez présents. Certaine pourraient croire que nous sommes contagieux. Alors ils nous fuient. Ou alors ils ont pitié, ils expriment une sympathie qui nous fait mal… « moi à ta place… » Ou ils ne sont pas assez présents ou ils le sont trop et nous étouffent.

Il y en a même qui croient que nous avons perdu toutes nos capacités…

Que dire aussi de notre partenaire ? Il ou elle vit les choses différemment de nous. Il y a des couples qui ne survivent pas tant sont vives les différences et les blessures antérieures et présentes de chacun.

Les enfants aussi, chacun réagit à sa façon que nous ne comprenons pas et qui nous dérange parfois.

C’est que chacun fait ce qu’il peut avec cette absence douloureuse…

Nous sommes rarement compris et cela renforce notre solitude.

Comment envisager une relation qui soit vraie, nourrissante, confiante avec les autres dans ce nouveau monde étrange où tout est perturbé ? C’est souvent dans les groupes de paroles que nous pouvons vivre le mode de relation tel que nous le recherchons.

Il semblerait qu’il faille exercer des capacités parfois toutes nouvelles :

- Je pense à la capacité de demander ce dont nous avons besoin, de refuser ce que nous ne voulons pas,

- D’accepter ce que chacun peut faire pour nous,

- La capacité de choisir les personnes pour ce qu’elles peuvent donner à ce moment-ci de notre existence,

- La capacité d’offrir nos silences et nos paroles à qui peuvent les entendre et les accompagner car nos silences et nos paroles sont de précieux cadeaux à ne pas mettre entre toutes les mains.

J’ajoute qu’il faut fuir les personnes qui sont une vexation pour l’esprit…Renforcés par notre amertume, nous apprenons à les démasquer…

Un regard autre sur la Vie

A​mertume aussi sur ce qu’est devenue la vie. Nous cherchons des signes. Nous en avons tant besoin. Parfois rien ne nous fait signe.

Cependant, nous avons la capacité de créer des moments qui font signe, des moments qui célèbrent la vie au nom de notre enfant. La vie est devenue encore plus précieuse !

Une bougie allumée, des photos, des récits auprès de qui veut bien nous entendre raconter notre histoire avec notre enfant, une chanson…autant de manières de pouvoir célébrer la vie.

« On ne répare pas ce qui a été blessé, cassé, humilié… Mais on répare ailleurs et autrement »

Ce qui va être réparé n’existe pas encore » (Cynthia Fleury).

Et peu à peu, nous sommes amenés à cultiver l’art du regard c’est à dire à aiguiser notre regard…il devient sensiblement Autre. C’est de l’ordre de la création.

Si nous ressentons de l’amertume, c’est un goût, un état d’être qui fait partie intégrante de notre chemin dans le souvenir de notre enfant. Il est difficile de résister aux à-coups de la tristesse mais nous le faisons déjà chaque jour depuis que notre enfant n’est plus à nos côtés. Bien sûr, parfois nous devons nous obliger à avancer avec un regard « autre »…

Ce sentiment d’être devenu différent, sans doute plus clairvoyant, peut-être plus personnel, peut nous ouvrir à une autre façon de voir la vie.

Car l’expérience du VIVRE AVEC ce que nous avons vécu, nous donne une intelligence nouvelle, pour comprendre, discerner ce qui a du sens et ce qui n’en a pas…

Aussi combien sommes-nous à avoir découvert les bienfaits de marcher, d’aller dans la nature, de se faire masser, d’écouter de la musique, de lire des récits et témoignages, de découvrir des ressources inédites en s’enracinant, se renouvelant…Et aussi le bienfait de créer des solidarités, d’attacher d’avantage d’importance à ce qui en a…

Nous avons acquis ou acquérons l’art du regard « autre » et peut-être l’art de voir plus large.

Prendre soin de notre vie nécessite beaucoup de patience et d’attention et aussi beaucoup de créativité car ce qui répare n’existe pas encore, c’est à créer « ailleurs » et « autrement ». Je crois que c’est ce que nous faisons en étant ici ce soir.

 Résumé proposé par Bernadette, Maman de Jeroen

Compte-rendu de la soirée d’échange du 26 avril 2019, présentée par Benoit FAVRESSE :

« La voie du cœur… »

Benoît Favresse est accompagnateur et formateur en développement personnel, il est venu dialoguer avec nous au cours de la soirée d’échange organisée par Parents Désenfantés.

Benoît Favresse souhaite, au préalable, exprimer toute sa compassion auprès des personnes présentes parents, frères, sœurs, grands-parents, proches de l’enfant décédé.
Il voudrait partager avec nous, au cours de cette soirée, quelques réflexions/ propositions pour trouver un peu de réconfort intérieurement. Il souhaite que chacun puisse y « prendre » ce qui fait écho en lui, un mot, une phrase, une notion…

Nul n’est jamais prêt à vivre une telle épreuve qui nous fait perdre tous nos repères existentiels. De surcroît chacun la vit, au delà des similitudes, de manière différente.
Quand un événement tragique arrive, le corps se rigidifie, l’esprit est saisi ; la première chose à faire est donc de tenter de récupérer sa propre notion d’existence, sa conscience, pour exister malgré tout.
Pour se retrouver, il y a lieu de reprendre contact avec soi et de redonner place à tous nos repères intérieurs. Trois éléments, en interaction permanente, sont présents
Le Mental <-> Les Émotions <-> Le Physique

En ce qui concerne le mental ,il est focalisé en permanence sur la situation. Donc récupérer son attention est primordial. Mais il y a quelques pièges notamment la culpabilité qui nous ronge. Pour en sortir, Benoît Favresse suggère de se centrer sur l’intention de bienveillance que nous avons eue pour notre enfant. Un autre piège est de ressasser sans cesse son passé avec des « si » …Un autre élément est la difficulté de pouvoir être heureux car souffrir est une manière d’être « fidèle » au défunt. B. Favresse nous propose de remettre son attention dans le présent et de se mettre en lien avec son enfant, par exemple en lui dédiant nos activités.
Lors du décès, nos blessures émotionnelles ressurgissent de manière intense, les émotions nous envahissent. Il convient de les exprimer le plus possible en thérapie, en famille, avec des amis … mettre des mots, les écrire, les partager … pour les libérer.

Au niveau de notre corps physique, il est amputé d’une partie de soi. Retrouver sa propre unité corporelle demande de prendre soin de soi, de se câliner…
Au centre de cela, se trouve L’espace du cœur, dont la fonction est d’aimer. L’amour pour notre enfant est toujours présent et profondément là.
Parlez-lui, dites-lui ce que vous avez sur le cœur. Honorez ce que vous vivez et offrez-le-lui.

Chacun a son propre point de vue, ses croyances, ses convictions sur la vie et l’au-delà. Quelle que soit notre relation à ce qui est au-delà du visible, rien ne nous empêche de communiquer, de nous exprimer à notre enfant.
Au delà des « Pourquoi ? » sans fin, Benoît Favresse propose de mettre son attention sur ce que nous pouvons faire face à la situation présente.
Les attitudes porteuses de vie. Qu’est ce qui nous rend vivants ?
• Voir ce qui nous élève et ce qui nous rabaisse
• Nourrir le beau & le bon
• Écouter de la Vie en soi
• Être juste et cohérent
• Aimer toujours plus
• …

Chaque jour et à chaque instant choisir ce que l’on en fait, et en sachant que toute transformation se construit dans le présent.
Au terme de cette conférence, la soirée s’est poursuivie aux travers de nombreux échanges et partages d’expériences, dans une atmosphère respectueuse du vécu du deuil de chacun.

Merci aux organisateurs et à Benoît Favresse.

Résumé proposé par Bernadette, Maman de Jeroen

Compte-rendu de la soirée d’échange du 27 avril 2018, présentée par Jean-Michel LONGNEAUX :

« Le deuil sous différents aspects… »

Le 27 avril dernier, Jean-Michel Longneaux, professeur de philosophie à l’Université de Namur, venait dialoguer avec nous au cours de la soirée d’échange organisée par Parents Désenfantés.

Le deuil sous différents aspects…
C’est une approche philosophique du deuil qu’il souhaitait partager avec nous. La philosophie permet de mettre des mots sur les expériences de la vie dont le deuil. Or les mots sont essentiels car ils et non se centrer sur l’enfant nous permettent de penser, dire et partager ce que l’on vit.

Mais sur quoi porte un deuil? Jean-Michel Longneaux pense qu’il faut parler de soi et non se centrer sur l’enfant car c’est nous qui éprouvons de la souffrance… notre enfant n’est plus là.

Lorsque l’on perd son conjoint, l’on est veuf; lorsque l’on arrête de travailler l’on devient retraité; quand on perd son enfant il n’y a pas de mot… et pourtant ce que nous avons été nous ne pouvons plus l’être. Nous ne sommes plus les mêmes. Il y a donc aussi à faire le deuil de la personne que nous étions.

La mort de notre enfant modifie également notre façon d’être en relation avec les autres. Entre moi et les autres, il y a toujours l’enfant décédé.

Un autre deuil porte sur notre rapport à l’avenir. La mort de notre enfant nous amène à devoir renoncer à ce que nous avions imaginé pour demain. Notre rapport à l’avenir s’en trouve modifié.

Jean-Michel Longneaux nous explique que le deuil est un travail psychologique et social par lequel un individu meurt à ce qu’il n’est plus pour renaître à ce qu’il est devenu.

Le but du deuil est de trouver comment être encore heureux maintenant dans ce nouvel état.

Le mot “Travail” montre qu’il y a des choses à faire, “psychologique” car on le fait en tant qu’individu, personne ne peut le faire à notre place, et “social” car on doit passer par les autres pour faire son deuil.

Pour cela, il faut du temps ! Dans un premier temps, c’est le refus qui domine ensuite l’acceptation, non pas de la mort de son enfant mais de ce qu’on est devenu. Les temporalités au sein de la famille peuvent être différentes ; ce qui peut parfois être source de tension.

Jean-Michel Longneaux nous propose une pensée de Sénèque :
« Quel est donc, Marcia, cet oubli de votre sort et du sort de l’humanité ? Née mortelle, vous avez donné le jour à des mortels (lettre de consolation à Marcia) ». 

Accepter de ne plus être le parent de cet enfant, nous dit Jean-Michel Longneaux, lors de l’échange qui a suivi, nous restons les parents de cet enfant qui vit à présent en nous.

Mais pourquoi est-il si difficile de lâcher une identité perdue ?

Le deuil nous fait découvrir que nous sommes, comme tout être humain, limités, loin de la toute puissance qui voudrait que nous puissions sauver notre enfant. Le deuil révèle nos limites.

En outre dans la relation avec son enfant il y a un aspect fusionnel (« mon enfant me fait une grippe ») La mort de notre enfant touche aussi notre désir de fusion et nous montre que l’on ne fusionne avec personne. Nous sommes des êtres de relations mais à l’intérieur de la relation je suis seul.

Nous sommes fondamentalement une solitude.

Tous les avenirs que nous construisions s’écroulent. La mort d’un enfant est injuste, n’est pas dans l’ordre des générations. Mais la vie réelle est incertitude, fragilité.

La mort des enfants nous apprend que rien ne nous est dû que la vie est incertitude.

Croire qu’on peut faire son deuil jusqu’au bout est un danger de toute puissance mais par contre, on chemine et on ne doit pas arrêter de cheminer pour retrouver du bonheur.

Après cette conférence, la soirée s’est poursuivie aux travers de nombreux échanges, réactions et témoignages dans une atmosphère respectueuse du vécu du deuil de chacun. Merci aux organisateurs et à Jean-Michel Longneaux.

Résumé proposé par Bernadette, Maman de Jeroen

Compte-rendu de la soirée d’échange du 12 mai 2017 présentée, par Marina BLANCHART :

« Après la mort de notre enfant, quelles sont nos relations avec nos proches, nos amis et notre cadre professionnel ? »

Le 12 mai dernier, Marina Blanchart, psychologue et formatrice, venait dialoguer avec nous au cours de la soirée d’échange organisée par Parents Désenfantés.
C’est un sujet qui touche chacun d’entre nous, qui nous réunissait :

Après la mort de notre enfant, quelles sont nos relations avec nos proches, nos amis et notre cadre professionnel ?

C’est avec beaucoup de sensibilité que Marina Blanchart nous a conviés à partager ses réflexions, nées de sa pratique de thérapeute avec des parents ayant perdu un enfant.
La relation qui nous unit aux autres est une suite d’interactions et donc un phénomène qui met en contact deux pôles. Nous sommes un de ces pôles et c’est sur lui que nous pouvons agir.
Nous pouvons “par notre manière d’agir” influencer la qualité de la relation avec nos proches.
Autant aider notre entourage à pouvoir nous aider, bien réagir, être adéquat.
Bien sûr il est dur, pénible de porter cette charge supplémentaire, alors que nous souffrons, mais nous sommes les seuls à savoir ce qui peut nous aider.
Dans notre entourage, il y a ceux qui parviennent à nous rejoindre, à trouver les mots justes parce qu’ils ont cette sensibilité (parfois suite à d’autres épreuves ou parce qu’ils ont perdu, eux-aussi, un enfant) mais il y a aussi ceux qui sont déroutés et donc maladroits et qui soit n’en parlent pas de peur de mal faire ou mal dire soit tout en voulant être soutenants « en remettent des couches ». Il y a aussi ceux qui sont mal à l’aise, pas naturels ou encore ceux qui sont curieux et malvenus. Lorsque l’attitude de certains nous fait souffrir, il convient de le dire ou parfois de choisir de ne plus côtoyer ces personnes.
Une réaction fréquente est celle de ceux qui laissent entendre « je t’aime, donc je ne veux pas que tu souffres ». Cette « injonction » de l’entourage installe une lutte en soi et amène à encore plus de souffrance. Car « faire semblant » que cela va bien pour protéger l’entourage est une peine, un effort supplémentaire.
Il est important dans ce cas aussi de dire la nécessité pour nous de laisser libre cours à ce que nous ressentons.
Les autres ne savent pas ce que nous vivons, ce qui nous blesse, ce qui adoucit notre quotidien…

Donc, il faut prendre le temps, pour soi-même, de clarifier ses besoins. Ensuite, nous allons pouvoir le faire savoir à notre entourage. En fonction du moment, des personnes, nous pourrons dire, écrire, communiquer sur nos besoins.
Marina Blanchart nous relate la situation d’une maman qui a perdu sa petite fille et qui, dans un premier temps, s’est sentie entourée… mais le temps passe et les personnes ne se soucient plus d’elle, elle se sent seule, isolée.
S’il s’agit d’une relation à laquelle on tient, il faut nourrir cette relation … et parfois pardonner les maladresses ou les manquements.
Pour nous, Parents Désenfantés, la mort de notre enfant est une blessure qui reste là.
Entre nous et les autres personnes, il y a un décalage. Nous ne voyons pas la même chose, pour nous tout a changé dans notre vie.
Fréquemment, l’entourage voudrait que nous allions mieux, que nous soyons « comme avant ». Il est essentiel pour se respecter et anticiper les moments particulièrement difficiles (les soirées, fêtes etc.) de connaître les limites de ce qui nous est supportable et d’en tenir compte.
Les problèmes des autres peuvent parfois nous sembler futiles « comment osent-ils se plaindre devant moi ? » Cela peut amener à ce que l’entourage n’ose plus se confier. Il est utile de prendre conscience aussi de cela. Notre sensibilité a été nourrie de ce que nous avons vécu et quand cela nous est possible nous pouvons entendre l’autre dans sa peine.

« La souffrance est aussi une force quand elle se transforme en compassion ».

A l’intérieur de la famille, il faut avoir à l’esprit que ce qui m’aide, n’aide pas forcément l’autre.
Accepter que chacun gère sa douleur à sa manière. Faire confiance au conjoint, aux frères et sœurs sur leur manière (différente) de traverser l’épreuve. Comment mon fils peut-il faire la fête ? Comment mon époux(se) peut-il (elle) avoir envie de retourner travailler …

En conclusion, Marina Blanchart souligne qu’il n’y a pas d’absolu, de recette, mais qu’il faut veiller à donner aux personnes auxquelles on tient des clés de compréhension sur nos besoins. Parfois aussi choisir de maintenir ou de rompre une relation selon qu’elle nous fait du bien ou du tort.
Après cette conférence toute en délicatesse, la soirée s’est poursuivie aux travers de nombreux échanges et témoignages dans une atmosphère particulièrement respectueuse du vécu du deuil de chacun. Merci aux organisateurs et à Marina Blanchart.

Résumé proposé par Bernadette, Maman de Jeroen

Compte-rendu de la soirée d’échange du 22 avril 2016, présentée par Marie-Camille CARTON :

« Notre enfant est hors de notre vue. »

Le 22 avril dernier, Marie-Camille Carton, animatrice des groupes Vivre sans l’autre et psychopédagogue, venait dialoguer avec nous au cours de la soirée d’échange organisée à Céroux-Mousty par Parents désenfantés. C’est un sujet très sensible, pour chacun d’entre nous, qui nous réunissait :

« Notre enfant est hors de notre vue. »

Et pourtant nous sommes en lien avec lui (de façon différente suivant ce que nous sommes et les périodes de notre vie). A-t-il une autre présence en nous ?

Comment faisons-nous pour que sa présence continue à faire partie de notre vie de façon vivante ?

Bien que n’ayant pas perdu d’enfant, Marie-Camille Carton témoigne, avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse de la manière dont la mort s’est inscrite dans sa vie. La mort d’un jeune frère, alors qu’elle était enfant, et la perte de sa sœur, à l’âge adulte, ont été des événements qui ont habité sa vie et ont agi sur ses choix professionnels.

Marie-Camille Carton nous explique que, pour elle, il y a trois dimensions à l’être humain : corps, psyché et cœur profond. C’est au sein du cœur profond, dans la partie intime de l’être, que se situe le lieu des liens avec ceux qui sont morts et que nous aimons.

L’être humain est composé de ces 3 dimensions, reliées les unes aux autres. Chacune d’elles doit garder sa juste place par rapport aux 2 autres et toutes 3 ont à se déployer selon des règles propres à chacune. Finalement, par un lent travail d’unification, l’être humain trouve son équilibre entre:

  1. La part corporelle, le corps, l’enveloppe de l’être.
  2. La part psychique, psyché, lieu de l’intelligence, la volonté, la mémoire et l’affectivité (émotions et sentiments).
  3. La part spirituelle, le cœur profond, au centre de l’être.

C’est un lieu inviolable. Il constitue notre identité fondamentale. Chaque femme, chaque homme est donc appelé à veiller à laisser ces 3 composantes en juste équilibre les unes par rapport aux autres. Ainsi est-il possible de “traverser” les tempêtes de la vie avec une humanité aux fondations bien solides.

A travers l’histoire imagée de la Famille Bleu, Marie-Camille Carton nous parle ensuite des liens qui se vivent au sein d’une famille lorsqu’un enfant naît. Pendant sa vie sur terre, des liens se tissent et ensuite, quand il meurt et qu’on ne le voit plus, que deviennent-ils ? Elle évoque la place des amis de l’enfant que nous connaissons ou avec qui nous ferons connaissance. Les enfants de l’entourage, surtout eux car cela s’inscrit en eux alors qu’ils grandissent, n’oublient jamais les parents et les frères et sœurs de l’enfant décédé.

Marie-Camille Carton partage avec nous quelques chemins de liens découverts au cours de ses rencontres d’accompagnement de personnes endeuillées. Ces liens se situent dans la partie la plus profonde de nous-même, le lieu de notre intimité avec ce que nous appelons différemment (la lumière, Dieu, le Tout, …) selon notre philosophie de vie, que nous appartenions ou non à une religion. Il s’agit de la part spirituelle de notre être, lieu du lien avec ceux que l’on aimait et qui sont morts.

Cette part spirituelle de notre être, notre intimité, personne n’a le droit d’y entrer sans notre autorisation. Cependant, son travail d’accompagnement lui enseigne que de mettre des mots sur ces expériences si intimes, si on le fait en toute liberté, permet de donner réalité à ce qui nous semble parfois comme un rêve éveillé.

A travers le récit d’un rêve où elle dialogue avec son père, Marie-Camille Carton nous montre que parfois certaines personnes cherchent à savoir ce que celui qui

est mort peut continuer à nous dire. Parfois nous sollicitons d’autres personnes pour nous le dire. Elle comprend cette façon de faire et parfois elle aide mais il y a un risque de n’en avoir jamais assez et cela peut amener à développer une addiction car cela vient de l’extérieur. Surtout, elle pense que cette démarche n’a pas la profondeur de celle qui est la nôtre si on attend qu’elle fasse son œuvre. Faire parler un autre peut ralentir ce que celui que l’on aime et que l’on ne voit plus veut nous dire réellement au plus profond de nous-même, dans des pensées, des rêves, des expériences dues au hasard si l’on est attentif.

Mais que peut-on mettre en place pour rendre possible cette relation avec celui qui n’est plus sur notre terre mais dans notre cœur?

Marie-Camille Carton souhaite nous sensibiliser à un aspect souvent oublié qui est l’utilisation de ses sens (les 5 sens) pour nous préparer à vivre ce lien INTÉRIEUR avec l’enfant que nous aimons et qui est devenu:

  • invisible à nos yeux,
  • silencieux à nos oreilles,
  • l’enfant que nous ne sentons plus et
  • que nous ne pouvons plus toucher
  • ni goûter.

Comment mettre en œuvre nos sens intérieurs, notre sensibilité ? Cela nous appartient à chacun en propre, c’est une recherche propre à chacun.

Après cette conférence toute en délicatesse et profondeur, la soirée s’est achevée aux travers de nombreux échanges et témoignages dans une atmosphère particulièrement respectueuse du vécu du deuil de chacun. Merci aux organisateurs et à Marie-Camille Carton.

Résumé proposé par Bernadette, Maman de Jeroen

Compte-rendu de la soirée d’échange du 08 mai 2015, 

présentée par Michel OLMANST :

« Un sens à la mort ? »

Michel Olmanst est psychothérapeute.

C’est avec beaucoup de sensibilité et d’humanité que Michel Olmanst nous a conviés à partager son cheminement personnel autour de cette question interpellante voire brutale. Son propos s’est articulé autour de cinq questions :

1. Quelle est l’utilité de la Mort ?

Michel Olmanst nous rappelle que notre tradition occidentale oppose le plus souvent la vie à la mort. Dans d’autres cultures, on oppose la naissance à la mort, dès lors que la Vie elle continue à se dérouler au travers des cycles de naissances et de morts. Alors que nous vivons dans l’illusion d’une vie sans fin, la Mort vient nous rappeler que nous sommes humains et donc impermanents. Notre ego est ramené à la réalité de son caractère mortel.

2. Quelle est la nécessité de la Mort ?

La Nature nous montre la nécessité de la mort à travers le cycle de la Vie qui a besoin de la Mort  pour nourrir les nouvelles naissances. La Mort est absolument indispensable pour que la Vie continue.

3. Quel est le sens de la Mort de celui que j’aime ?

Il y a sa propre finitude mais aussi la Mort qui nous fait vivre la perte de l’autre. Quel est le sens de cette souffrance ? Michel Olmanst souligne que dans la douleur de la perte, nous ne pouvons que nous laisser entraîner, secouer, chahuter par le tourbillon de la souffrance. Et qu’il n’y a rien de particulier à faire, si ce n’est de ne pas faire résistance pour ne pas souffrir davantage, mais au contraire de se rendre au vent et au tumulte … C’est ce qu’il appelle le temps de la survie, malgré la perte. Ensuite, nous dit-il, les vents s’apaisent progressivement, laissant apparaître un paysage de désolation, de repères brisés. La vie reprend alors progressivement ses droits, nous laissant au bord de la route avec des sentiments mélangés de tristesses de la perte, de peurs dans l’avenir, de colères face à la vie, à la mort, face aux dieux, … Péniblement nous nous redressons, et nous faisons quelques pas en boitant …  Et nous nous surprenons … à vivre, avec la perte ! 

Nous commençons seulement alors à regarder derrière nous, à permettre que la question du sens nous soit posée. Ai-je le droit d’être heureux quand l’autre est mort ? Est-ce que je choisis de rester dans la vie quand l’autre en est sorti ? Est-ce que je peux encore aimer si celui qui m’a aimé est parti ? 

La mort nous met face aux questions existentielles fondamentales et il appartient à chacun d’entre nous d’aller à la rencontre de ses réponses.

4. Quel est le sens de ma vie, de la Vie, si tout est impermanent ? A quoi tout sert, si tout meurt ?

Les scientifiques annoncent que la Terre, la Vie elle-même, va s’éteindre dans quelques milliards d’années.Si donc le vivant est condamné à disparaître, quel est le sens de l’évolution de la Vie ? Pour Michel Olmanst, ce n’est plus où l’Humanité va, qui est important, ni où me conduit notre cheminement personnel puisque nous savons clairement qu’in fine tout disparaît. C’est le chemin lui-même qui donne sens. Ce sont le progrès individuel et le progrès sociétal pour eux-mêmes qui viennent nous nourrir. « Si rien n’a de finalité, tout devient gratuit »

Face à cette échéance inévitable, nous pouvons dans un réflexe de survie nous refermer dans notre bulle, nous limiter à nos intérêts personnels.

Une autre voie est de choisir l’ouverture à cette Mort ultime, l’ouverture dans le sens d’un apprivoisement et d’une acceptation progressive.

L’Homme ouvert au Monde perçoit alors sa personne et son environnement comme un Tout auquel il participe. A cet endroit naît en nos cœurs un sentiment de compassion pour l’Univers, une expérience sensible d’ouverture et de présence au Tout. 

Nous partageons la condition humaine sur Terre, et de l’étant dans l’Univers. Nous ne pouvons alors, dans la profondeur, qu’être doux avec les êtres et les choses et développer envers eux un profond désir d’harmonie.

5. Quelle est la relation entre la Mort et la Spiritualité ?

Le questionnement du lien entre soi et l’Univers et la capacité de se percevoir à la fois comme individu et comme partie d’un Tout est en soi une pratique spirituelle. 

Celle-ci revêt des formes multiples. Peu importe qu’elles soient religions révélées ou non, systèmes sociaux ou conceptions individuelles.

Michel Olmanst nous propose en épilogue une pensée d’Albert Einstein : « Un être humain fait partie d’un tout que nous appelons « l’Univers ». Il demeure limité dans le temps et dans l’espace.  Il fait l’expérience de son être, de ses pensées et de ses sensations comme étant séparés du reste, une sorte d’illusion d’optique de sa conscience. Cette illusion est pour nous une prison, nous restreignant à nos désirs personnels et à une affection réservée à nos proches.  Notre tâche est de nous libérer de cette prison en élargissant le cercle de notre compassion afin qu’il embrasse tous les êtres vivants et la nature entière dans sa splendeur ».

Résumé proposé par Bernadette, Maman de Jeroen

Compte-rendu de la soirée d’échange du 25 avril 2014, présentée par Emily DELESPAUX :

« Comment mieux vivre la perte de mon enfant en relation avec l’entourage ? »

Soirée d’échange du 25 avril 2014 : Présentation de Emily Delespaux, doctorante en psychologie à l’UCL Louvain-La-Neuve.

1) Réactions lors d’un deuil

Elles peuvent être affectives : colère, tristesse, dépression, solitude, culpabilité… ou comportementales : refuge dans le sommeil, dans le travail, dans le sport… ou encore cognitives : pensées incontrôlables qui tournent dans la tête, et enfin physiologiques : perte d’énergie, manque d’appétit, douleur, fragilité, faim… Ce qui est important c’est de prendre conscience que chacun aura une réaction qui lui est propre et qu’aucune réaction n’est mieux que l’autre. Il n’y a donc pas lieu de porter de jugement. La durée aussi varie d’une personne à l’autre, elle ne devient problématique que si elle empêche l’endeuillé de faire des choses essentielles pour lui. Il existe donc une multitude de réactions qui ont une durée variable, chacun vivant le deuil de manière unique.

2) Travail de deuil

Le travail de deuil est un mouvement entre 2 « planètes », celle de la perte (penser au décès, réfléchir sur ses émotions, redéfinir ses liens, déni) et celle de la restauration (faire attention aux changements de vie, planifier de nouveaux projets, se distraire, occuper de nouveaux rôles). Les femmes sont plus souvent dans la perte et les hommes dans la restauration. Il n’y a pas de bons ou de mauvais endroits, l’important est le mouvement entre les 2 pôles. Chacun « voyage » à son propre rythme selon son parcours propre. Comment faire pour vivre ensemble avec des ressentis et des rythmes différents ?

3) A l’écoute de soi, à l’écoute de l’autre

Il est important de pouvoir identifier sur quelle planète je suis et dans quel ressenti. Prendre conscience de où je suis et où en est l’autre pour pouvoir s’écouter et accepter les différences sans jugement sur moi-même ou sur l’autre ; cela aide à pouvoir communiquer sa position à l’autre et écouter celle de l’autre.

4) Maintenant où j’en suis ?

Pour répondre à cette question, j’examine – à quoi je pense ?

– Comment sont mes émotions ?

– Comment je me sens physiquement ?

– De quoi ai-je envie ?

dans l’instant présent, juste là ; j’essaie de rester dans le descriptif uniquement sans jugement. Ensuite je trouve une façon de communiquer ma réalité à l’autre.

La soirée s’est poursuivie par de nombreux échanges entre parents portant principalement sur la difficulté d’entendre les réactions parfois inadéquates de l’entourage, le sentiment d’isolement, la possibilité de dire ou pas ce que nous vivons et à qui le dire. Certains ont aussi souligné les facultés d’écoute et d’accueil face à la souffrance qu’ils avaient développées suite au décès de leur enfant.

Compte-rendu de la soirée d’échange du 26 avril 2013 présentée, par Laetitia SCHUL et Bernard RIMÉ :

« Le deuil des hauts et des bas. »

Laetitia Schul est psychologe, Bernard Rimé est Professeur Émérite spécialisé dans le partage social des émotions à l’UCL louvain-La-Neuve .

Le chemin de deuil est souvent présenté comme une succession de différentes étapes à vivre. Cette théorie véhicule des croyances normatives qui disent ce qu’on doit ressentir à quel moment. Ces normes peuvent générer de la culpabilité si on ne rentre pas dans les catégories décrites.

Depuis quelques années une autre approche se développe qui met en avant la particularité de chaque deuil et propose l’existence de deux pôles entre lesquels l’endeuillé oscille constamment.

Le premier pôle est orienté vers la perte, le repli sur soi. Il est vécu dans les pleurs, la tristesse, la détresse. Personne ne peut nous y rejoindre. Les pensées y sont tournées vers le souvenir ; tout met en évidence ce qu’on a perdu. Ces moments de solitude sont nécessaires pour faire face à l’absence et l’apprivoiser petit à petit.

Le deuxième pôle est orienté vers le changement, les nouveaux engagements, les nouvelles activités qui apparaissent dans nos vies suite au deuil. Une vision de la vie différente va nous accompagner ; des projets vont refaire surface et nous mettre en mouvement.

La vie d’un endeuillé va être des « allers-retours » entre ces deux pôles. Le passage par le pôle de la perte existera toujours ; il se fera de moins en moins long et de plus en plus paisible.

Quand on en parle autour de soi.

L’idée que parler de ses émotions a un effet libératoire est très répandue or elle est fausse. Les études faites montrent que parler ou pas de ses émotions n’influence pas l’état émotionnel de la personne.

Cependant se taire n’est pas conseillé après avoir vécu une émotion forte car cela entraîne des problèmes de rumination, des cauchemars. Le fait de partager ses émotions crée une union émotionnelle, cela renforce les liens du tissu social et de là permet de mieux résister à l’existence.

Quand une personne est touchée par un évènement grave elle provoque un malaise, un rejet dans l’entourage. Dans notre société de performance, la norme est de vivre à l’écart du malheur ; on est intégré si tout va bien. La fragilité de la vie est niée. La personne en souffrance est passée dans un autre monde et elle va représenter pour les autres la vulnérabilité dont chacun essaie de se protéger. La personne qui n’est pas en souffrance est dans la maladresse, les fausses croyances. Elle cherche à accuser ou à trouver des raisons à la souffrance de l’autre ou encore à l’entraîner dans un optimisme forcé. Ce déni est une horreur pour la personne en souffrance qui a besoin de reconnaissance.

Dès lors sans écoute de son entourage, il est impossible pour elle de mettre son expérience en mots et donc de la structurer. Cela crée une solitude énorme, une coupure en soi et avec les autres. La personne en souffrance se tourne alors vers d’autres personnes ressources : le personnel médical, les groupes de paroles.

La difficulté de dire l’indicible est un des freins au partage des émotions. L’impression que les mots ne peuvent traduire le vécu et risquent de l’altérer. La honte et la culpabilité qui envahissent parfois la personne en souffrance sont d’autres freins à la parole. Certains éléments non dits car trop douloureux peuvent empêcher d’être dans le tissu social et devenir des ruminations mentales. Le propre de l’être humain est sa capacité à mettre du sens. Devant un évènement rempli de non-sens, notre recherche de sens provoque la rumination de questions sans réponses qui prend beaucoup de place et handicape notre gestion du quotidien. Pour y remédier il est possible de se confronter à la réalité dans les détails, avec du soutien, ou encore de se concentrer sur une image qui fait du bien.

L’évènement grave provoque un effondrement des croyances, une complète révolution personnelle. Il s’agit de réorganiser sa vie, sa vision de soi-même, de retrouver un axe d’existence, un sens à la vie alors que tout a explosé.

L’émotion forte ne va pas nous quitter, elle va vivre avec nous. Parfois elle refait surface intensément, parfois elle nous laisse vivre.

Résumé proposé par Catherine, Maman de Simon

Compte-rendu de la soirée d’échange du 7 avril 2012, présentée par Ghislaine LONGEVIAL :

« Quand je pense à mon enfant, j’ai des remords, le sentiment de ne pas avoir tout dit, tout fait. »

Ghislaine Longevial est psychothérapeute animatrice à l’association « Apprivoiser l’absence » à Paris (Association pour parents en deuil d’enfants).

La culpabilité.

Quelques pistes :

  • La théorie
  • Notre angoisse d’être coupable par rapport à nous-mêmes, par rapport à l’autre, par rapport à l’évènement.
  • Lié au sentiment d’injustice par rapport à un être jeune plein de promesses.
  • Mais aussi l’injustice que peut provoquer le fait d’être soi-même épargné par la mort.
  • La culpabilité touche au sentiment de solitude, se sentir coupable = se sentir seul, un sentiment difficilement partageable, c’est parfois la difficulté de ce partage qui sépare les couples après la mort d’un enfant.
  • La culpabilité touche à la notion de responsabilité qui un sentiment sain de culpabilité, la responsabilité nous met sur une voie où nous pouvons parler, clarifierrespirer, accepter, nous reconstruire, nous réparer nous-même et réparer en nous.
  •  La culpabilité touche à un travail à faire, à laisser faire en nous. Un travail n’est pas de « déculpabiliser » mais de mettre de la lucidité et du « pardon » dans notre sentiment de culpabilité pour nous délivrer de ses abcès récidivants.
  •  Passer de la culpabilité à la responsabilité.
  •  Passer de la responsabilité au pardon.
  •  Du pardon à ce que « notre enfant » ne nous pas  dû ! qu’il n’est pas immortel.
  •  A la racine de notre sentiment de culpabilité, il y a le refus inconscient de nos limites, de notre impuissance.
  •  De notre culpabilité, nous pouvons faire un enfermement, un remord sans issue. Mais nous pouvons aussi faire la reconnaissance de nos limites, de notre impuissance. Ce n’est pas d’essayer d’échapper à nos sentiments de culpabilité, mais d’en faire quelque chose de constructif, pour nous, les autres, mais aussi pour notre enfant mort.
  •  Inconsciemment mon sentiment de culpabilité me permet de « garder » mon enfant, comme si à perdre le sentiment de culpabilité, j’allais perdre mon enfant une seconde fois = je me « l’attache » par le sentiment de culpabilité.
  •  Sans ces conditions, le pardon devient difficile = le pardon à soi-même, le pardon à la vie, le pardon à la mort, le pardon à Dieu.
  •  Le PARDON, lien de l’abandon de la culpabilité, lien de l’abandon de mon enfant « en d’autres mains » !

Compte-rendu de la soirée d’échange du 1er avril 2011, présentée par Claude COUDERC :

« Sans elle, sans lui »

Film réalisé par le journaliste Claude Couderc qui suite au décès de son fils va à la rencontre des membres de sa famille et d’autres familles endeuillées. Film profondément humain et d’une grande justesse, plein de tendresse inassouvie et de dignité.

La projection a été suivie d’un échange animé par Caroline Fierens, psychologue au bureau d’assistance aux victimes de la commune de Jette et coordinatrice du groupe : « Le petit prince a dit », groupe de soutien aux personnes endeuillées.

Cet échange était axé autour de phrases tirées du film et  reprises sur la feuille distribuée aux parents.

« Besoin d’en vouloir à quelqu’un. »« Perdre un enfant, c’est comme une bombe qui arrive dans le foyer et qui fait tout exploser.»« Dans le couple, la famille chacun se renferme dans sa propre douleur. »« Comme si j’avais perdu mon propre père, je me suis senti désarmé, comme si je n’avais pas fini de grandir. »« Mon angoisse, c’est d’oublier. »« Nous n’avons pas fini d’être ensemble. »« Son départ, je le refuserai toute ma vie, ça a renforcé ma volonté de profiter de chaque instant. »« En même temps, j’ai peur à chaque instant. »« Je sais pertinemment que la douleur peut revenir à tout instant de façon très sournoise, très violente. »

Il y a eu de nombreuses interventions et la discussion s’est poursuivie autour d’un verre.

Compte-rendu de la soirée d’échange du 23 avril 2010, présentée par Monique MAYSTADT :

« Deuil et Résilience » Comment trouver en nous l’énergie pour rebondir ? »

Monique Maystadt est analyste transactionnelle et psychothérapeute. Monique, la conférencière, a présenté la soirée en parlant de son vécu personnel. Puis elle a donné des pistes et des mécanismes de reconstruction après un deuil. Elle a proposé un travail en petits groupes pendant quelques minutes, suivi d’un échange entre parents.

  • La souffrance en elle-même n’a pas de sens.
  • On peut trouver un sens à la vie même à travers ce qu’on a vécu.
  • Personne ne peut nous dire quel est le sens ; à chacun de trouver son propre sens.
  • Monique va essayer de transmettre des outils et aider à identifier nos capacités à nous reconstruire après les souffrances que nous rencontrons.
  • Différence entre souffrance et émotions de frustration.
  • Exprimer sa colère, ses pleurs ne disent pas que on va mal.
  • Deuil : processus d’adaptation lié à une perte, un manque de quelqu’un qui a de la valeur pour moi ;
    • facteur temps important
    • perte/manque, deuil d’illusions rend la perte plus importante
    • plus l’investissement dans la relation est important plus la perte est importante
    • pas de compétition dans la souffrance ; tolérance et acceptation de chacun
  • Etapes du deuil :
    • face à une grande désorganisation le but est d’aller vers une réorganisation mais pas pour retrouver la situation d’avant ;
    • plusieurs axes de la désorganisation vers la réorganisation :
      • matériel
      • corporel
      • relationnel (groupes d’entraide)
      • émotionnel
      • existentiel (physique-psychologique-spirituel) recherche de sens
    • Faire le deuil de ce que nous étions cela touche à notre identité
    • Résilience : capacité de résistance à la destruction face à l’adversité ; capacité de se construire  
  • Processus évolutif de la résilience selon Nancy Palmer :
    • résilience anomique : toute l’énergie est centrée sur la survie et la sécurité ; moment de figement, fuite, mécanisme de survie.
    • résilience régénératrice : développer des compétences et des stratégies constructives
    • résilience adaptative : regard positif sur soi-même
    • résilience florissante : intégrer et considérer que la vie a du sens.
  • Exploration de « la casita de la résilience » de Stafan Vanistendael et Jacques Lecomte, ci-joint.
  • Recherche de sens :
    • La sensation-émotion : Pourquoi ?
    • La signification : Pour Quoi ?
    • La direction (notion du futur) : Comment ?

Bibliographie :

  • « Je me souviens » de Boris Cylrulnik
  • Livre de Rosette Polleti et Barbara Dobs collection Jouvence
  • Livre de Stefan Vanistendael et Jacques Lecomte