Des parents témoignent


Sans cesse, tu m’interrogeais : «Suis-je mignonne ?» Et sans cesse, je te racontais ta beauté : tes grands yeux, tes longs cils, tes fossettes charmeuses, tes cheveux abondants, ton sourire enchanteur…
Tu doutais de toi-même, de ton physique, de ton apparence, de ton existence même. Ton handicap si lourd avait muré ton intelligence et la vivacité de ton esprit dans une imprenable forteresse.
Tu étais si fragile et combien forte à la fois.
Ariane, le plus beau prénom du monde !
Tu aimais m’entendre dire ces paroles. Alors, sérieuse, tu t’appliquais à fermer tes grands yeux frangés de longs cils en guise d’assentiment.
Ariane t’allait si bien ! N’avait-elle pas dans la Grèce antique guidé Thésée dans le dédale du labyrinthe ? Comme elle, tu nous donnas le fil que nous allions suivre durant toute ton existence.
Ensemble, nous avons parcouru de nombreux pays à la recherche du meilleur médecin, du meilleur thérapeute capable de nous donner la clef de ta différence.
Ensemble, nous avons ardemment attendu le miracle !
Tu interpelas chaque personne rencontrée : tu restas un mystère jamais dévoilé. Nos nombreux périples nous firent rencontrer des êtres hors du commun qui contribuèrent à une ouverture totale de nos cœurs et de nos âmes.
Sur notre chemin difficile et plein d’embûches, sans relâche, tu nous faisais rebondir et repartir. Avec toi, pas question de s’arrêter et de s’installer. Plus loin, toujours plus loin… tu nous poussais.
Parfois, nous croyions être à destination, et déjà tu nous montrais la ligne d’horizon qu’il nous fallait désormais atteindre.
Souvent déçus, de plus en plus harassés, mais ensemble, à trois, nous repoussions les limites.
«A Noël, j’irai ailleurs» nous dis-tu un jour de septembre 2006. Souvent par la suite, tu nous rappelas que tu allais, seule, prendre une autre route, celle qui te mènerait vers «ailleurs».
Mais nous voulions rester sourds à tes propos dérangeants. Avec toi, comme guide, nous voulions encore marcher.
Un jour de décembre, on nous annonça ton grand départ sans nous et le lundi quatre à neuf heures du matin, tu fermas sur notre monde tes grands yeux frangés de si longs cils.
Nous nous retrouvâmes, seuls et désemparés, sur la route que tu nous avais tracée. Anéantis, nous nous sommes assis, prostrés, sur le bord du fossé. Vers où aller ? Notre petit guide avait déserté.
Nous avons lentement fait des pas pour avancer, mais beaucoup souvent pour reculer. Dans ce chemin de solitude, nous avons piétiné.
A mon tour aujourd’hui, de te questionner. «Ariane, mon ange, pourrais-tu du haut de ton ailleurs encore un peu nous guider sur ce bout de vie qu’il nous reste à parcourir ? Peux?tu de ta lumière nous éclairer, nous pousser, voire nous bousculer ? Nul autre, mieux que toi, ne saura désormais donner sens à notre existence sans toi».

Dany

Le choc

«Le décès d’Eléonore, ce fut d’abord cet appel sur le portable de mon mari, à 21 h 30, le 22 juillet. J’ai tout de suite compris qu’il se passait quelque chose d’anormal, j’essayais de lui poser des questions, mais il était incapable de parler. J’ai pris son téléphone, et j’ai demandé “Qui êtes-vous ?” J’ai entendu “Vous êtes la maman d’Eléonore ? Votre fille est décédée. Elle n’a pas souffert.” En quelques secondes, notre équilibre familial, nos projets, notre avenir volaient en éclats. Curieusement, pas un instant je n’ai douté de l’authenticité de ce coup de fil. Je ne réalisais pas encore tout ce que ça voulait dire, mais je savais que c’était vrai. Nous étions en France, c’était la première fois que nous prenions cinq jours de vacances à deux, depuis treize ans. On a pris la route tout de suite. Je ne sais pas comment j’ai réussi à conduire ces 900 kilomètres, sous la pluie, de nuit, sans craquer. La tragédie de Sierre nous a replongés dans ces premières minutes, ces premières heures après l’annonce du drame. Comme nous, ces familles ont laissé partir leur enfant, et les voilà face à une épreuve qui bouleverse leur vie.»

L’épuisement

«Dans les mois qui suivent, on vit en pilotage automatique, comme détaché du monde environnant. Comme si on faisait semblant d’exister. On se sent terriblement diminué physiquement, intellectuellement et psychologiquement. C’est très frustrant. On se découvre des limites, et on comprend vite qu’on n’a pas le choix : on doit les respecter. Au quotidien, tout demande un effort, et c’est épuisant : sortir en essayant de ne pas pleurer, croiser des gens dans la rue, faire les gestes du quotidien, préparer un repas, sans parler de tout ce qu’il y a à faire au niveau administratif, etc. Intellectuellement, c’est comme si la mort de l’enfant occupait tout l’espace : on a beaucoup de mal à se concentrer, à lire, à suivre une conversation. On décroche tout le temps, on est ailleurs. Il m’arrive de discuter avec quelqu’un, en donnant l’illusion d’écouter, en souriant, mais je suis en train de penser : “Ma fille est morte, comment vais-je m’en sortir ?” Et chaque nuit, depuis huit mois, ma fille apparaît dans mes rêves, comme d’autres personnages réels ou non : même dans le rêve, je sais qu’elle est morte, et je m’interdis de me réjouir qu’elle soit là, je m’interdis de lui parler, de l’embrasser. Je me réveille très tôt, fatiguée, avec une tristesse énorme.»

Le manque

«La douleur, le manque sont omniprésents, presque physiques, comme un nœud dans le ventre. Par moments, sans prévenir, ils vous submergent. Ça peut m’arriver chez moi, dans la rue, en voiture, au supermarché. C’est aussi la vue d’une photo d’elle, souriante, ou de son piano, de ses dessins, ses bracelets, ses peluches. C’est difficile, également, de voir grandir les amis d’Eléonore, d’écouter leurs projets, d’imaginer leur avenir. Pour elle, c’est fini. Ce sentiment d’injustice est très dur. J’ai vu les photos d’Eléonore prises pendant le camp. Elles ont été particulièrement douloureuses à regarder. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser : “Je n’étais même pas là pour les quatre derniers jours de vie de ma fille.” Elle était en parfaite santé, heureuse, positive. Je me souviens, elle venait de temps en temps près de moi pour
me dire tout simplement : “Maman, tu sais, j’aime ma vie !” Au début, on ne prend pas pleinement conscience de ce que la mort veut dire. C’est petit à petit, mois après mois, qu’on réa lise à quel point notre vie est bouleversée, qu’on comprend que l’absence est définitive. Il faut vivre avec. Mon inconscient, lui, essaie encore d’intégrer sa mort. Je me surprends parfois à penser, pendant une demi-seconde, que, le soir venu, je lui raconterai telle ou telle chose.»

Les autres

«Sans le soutien de nos proches,je ne sais pas où nous en serions. Nous avons eu l’immense chance d’être très entourés, dès le début, et encore maintenant. Je souhaite de tout cœur aux familles du drame de Sierre de pouvoir compter sur une telle solidarité. Tous les gestes, toutes les manifestations d’empathie, de soutien, sont les bienvenus. Un petit mot écrit, un repas qu’on vous dépose, un coup de fil pour proposer un café, une balade, un cours de yoga… Tout est bon. Certains sont plus doués que d’autres pour parler, dans des moments si difficiles. Mais surtout, il ne faut pas hésiter à se manifester. J’ai entendu l’un ou l’autre me dire : “J’ai peur d’être maladroit.” Il n’y a pas de maladresse, on est au-delà de ça. Tout ce qui vient du coeur nous fait du bien. Parce que le pire, c’est le silence, faire comme s’il ne s’était rien passé, alors que, pour nous, le monde s’est écroulé. Dire simplement : “Je pense à toi” est déjà énorme. A chacun de s’exprimer selon sa sensibilité, sa personnalité. Toutes les petites attentions tombent juste. Avant Noël, une amie m’a proposé d’aller ensemble acheter notre sapin de Noël. Bien sûr, c’aurait été difficile pour moi d’y aller seule. Une autre nous dépose chaque dimanche matin des croissants dans la boîte aux lettres. Certains n’hésitent pas à nous faire signe pour un souper entre amis. Et c’est vraiment sympa. Une autre encore, qui habite loin, m’écrit régulièrement, en envoyant un poème, un beau texte. Plusieurs m’ont proposé de ranger les affaires de ma fille. L’école (le collège Saint-Michel de Bruxelles) a tout fait pour nous faciliter la vie, au moment de l’enterrement, à la rentrée. Mais des inconnus se sont également manifestés, en nous écrivant. C’est d’ailleurs très touchant de sentir que, sans nous faire part de leurs sentiments. J’ai aussi été contactée spontanément par des mères ayant perdu un enfant. Ces rencontres ont été très fortes et très importantes pour moi, elles m’ont aidée. Ce soutien est essentiel et, dans la mesure du possible, il doit s’inscrire dans la durée. Ce n’est pas en trois semaines, ni même en six mois, qu’on reprend pied.»

La vie

«Nous ne sommes plus les mêmes. C’est une remise en question énorme. Soudain, on prend conscience de notre fragilité. On désire alors se recentrer, aller à l’essentiel, revoir nos priorités, nos relations aux autres. On cherche le sens de notre vie. S’il y a quelque chose de positif à trouver dans ce drame, c’est bien cela. Un soutien psychologique est bien sûr approprié. Mais chacun doit trouver les outils qui lui conviennent. Il faut savoir s’écouter. Il existe aussi des associations pour parents ayant perdu un enfant. Pour moi, c’est particulièrement important de se retrouver avec des gens qui ont vécu la même chose, même si les histoires de chacun sont différentes. On peut parler en toute liberté, on se comprend, il y a une dimension en plus par rapport à l’écoute des amis proches. Parfois, nos réactions, nos pensées, face à cette mort si injuste, sont déconcertantes. On se demande alors si on est “normal”. Par l’association, on se sent compris, donc rassuré. Il y a une écoute, une solidarité quasi tangibles.»

Gwenaëlle

 

Le 8 février 2015, il y a eu 12 ans que mon fils Antoine est mort, emporté par le vent de folie dans lequel Estela, sa maman, s’était enfermée. Il était âgé de 3 ans. Antoine ne survécut pas. Estela mit fin à ses jours 4 ans plus tard. La vie d’Antoine, bien que trop courte, fut riche et intense.

Je pensais que ma vie s’arrêterait là, je n’avais qu’un souhait : rejoindre Antoine. Au fond de moi, je lui parlais, je lui suppliais « Mais où es-tu ? ».

C’était le choc. Je n’avais rien vu arriver, je ne comprenais pas comment Estela en était arrivée là, alors qu’elle aimait tant Antoine. Je ne pensais plus, je fonctionnais de manière instinctive. Je me rends compte aujourd’hui que cela m’a aidé à survivre à l’insupportable. Je n’avais jamais imaginé que l’on pouvait pleurer autant. Pas une seconde, je n’avais envisagé qu’Antoine puisse partir avant moi. C’était inconcevable, contre nature.

Je n’arrivais plus à me donner le droit de vivre. Comment aurais-je pu me permettre de sourire ou de rire, alors qu’Antoine ne le pouvait plus ?

J’étais rongé par la culpabilité. Je me considérais comme un mauvais père, incapable d’avoir pu protéger Antoine, de lui avoir permis de vivre sa vie. Des milliers « pourquoi » tournaient en rond dans mes pensées. Je n’avais plus la moindre valeur à mes yeux, je ne me battais plus pour moi, mais pour ma famille et mes amis, afin de ne pas les faire souffrir davantage. J’espérais que cette souffrance cesse d’une manière ou d’une autre. Je pensais à la mort, je l’espérais, sans vouloir la provoquer. Je ne voulais plus souffrir. Mais malgré tout, par instinct de survie, je m’accrochais aux mains tendues…

L’amitié dont me firent preuve mes proches me permit de réaliser l’importance qu’ils m’accordaient. Je me rendais peu à peu compte que je n’existais plus seulement au travers des autres, mais pour moi-même aussi… Que j’avais une valeur.

Je ressentais qu’il me serait insupportable de découvrir un jour que toute cette souffrance traversée aurait été inutile. C’est pour cela que j’ai décidé de me battre afin de donner un sens à l’épreuve de ma vie, la mort d’Antoine. La souffrance, elle, n’a aucun sens. Mais par contre, ce que pouvais construire au départ de l’épreuve, a tout son sens. Je voulais me donner un nouvel objectif de vie au travers de ce qu’Antoine m’a aidé à comprendre et appris. Je tenais à rester digne d’être son papa. Je me dis encore aujourd’hui qu’Antoine a toujours voulu mon bonheur et qu’il n’y a aucune raison qu’il n’en soit plus ainsi.

J’ai pu commencer à envisager la vie plutôt que la mort, qui était alors si proche de moi. Il me fallait tenter de retrouver la confiance en moi qui avait été anéantie et canaliser ma colère qui était latente, afin qu’elle ne se transforme pas en haine. Réapprendre à me respecter, à m’écouter et à écouter les autres, à prendre soin de moi. Réapprendre à vivre. Réapprendre à aimer et à accepter d’être aimé. Réapprendre l’espoir. Réapprendre à me connaître, ou plutôt apprendre à reconnaître l’homme différent que je suis en train de devenir et à m’accepter ainsi.

J’avançais pas à pas. Face aux nombreuses difficultés et à la souffrance, je me suis découvert des forces que je ne pensais même pas posséder. D’où venaient-elles ? Tout seul, je n’y serais pas arrivé. Mais je ressens également que cette force porte un doux prénom… Antoine… Sa présence n’est pas physiquement palpable, mais son souvenir est vivant en moi.

Il y a une vie « avant » et une vie « après », façonnée par les épreuves traversées. J’assume ma vie, mais je sais que je ne connaitrai plus l’insouciance. Antoine me manque énormément. La souffrance tranchante du début, a fait place à une souffrance « moins invivable », à un apaisement du cœur et des sentiments. Le pardon, à moi-même d’abord et à Estela ensuite, me permet aujourd’hui de vivre sans haine, le cœur en paix. Ce pardon m’a aidé à transformer les « pourquoi » en « pour quoi », et à accepter de poursuivre ma route avec mes convictions, faute d’avoir toutes les réponses… J’ai le sentiment que c’est l’amour qu’Estela portait pour Antoine qui l’a amenée aux portes de l’extrême. Le prix payé est incalculable. C’est cela qui m’aide à pouvoir profiter des petits bonheurs quotidiens et à recevoir un sourire comme un cadeau, car il exprime bien plus que les mots…

Trouver un sens à la mort d’Antoine est le moteur de ma vie. Ce sens, je l’ai notamment trouvé dans le partage et l’écoute. C’est la raison de mon engagement à Parents désenfantés. J’ai pu m’y sentir moins seul et y puiser une énergie énorme pour me reconstruire…

Jean

Le jour où mon fils Antoine a perdu la vie et que, quelque temps plus tard, sa maman a décidé de mettre fin à ses jours, j’étais bien incapable de m’envisager le moindre avenir, même le plus infime qu’il soit. Je croyais que ma vie s’arrêterait là, brusquement, en ce mois de février 2003.

Durant les premiers mois qui ont suivi le drame, je n’arrivais plus à me donner le droit de vivre pour moi-même, cela me paraissait tellement indécent. Comment aurais-je pu me permettre de sourire ou de rire, alors qu’Antoine ne le pouvait plus ?

J’étais rongé par la culpabilité. Je me considérais comme un mauvais père, incapable d’avoir permis à Antoine de grandir et de devenir un adulte, d’avoir pu le protéger. Ma vie n’avait plus de valeur à mes yeux, je ne me battais plus pour moi, mais pour famille et mes amis, afin de ne pas attiser leur souffrance. J’entendais dire que la mort d’un enfant est une épreuve dont on ne se relève pas. Pourquoi donc aurais-je dû me battre pour vivre ?

Au fil des mois et des années qui passaient, l’attachement et l’amitié sincère dont me firent preuve mes proches me permirent de réaliser l’importance qu’ils accordaient à ma vie. Je me rendais peu à peu compte que j’existais pour moi-même et plus seulement au travers des autres. Ce fut le tournant de mon chemin de reconstruction. Car il s’agit bel et bien d’une reconstruction. Ce que je venais de traverser, l’épreuve de ma vie, a tout ravagé sur son passage, tel un énorme tsunami. Ce que je voyais de ma vie n’était plus que désolation et ruines…

Je ne voulais pas en rester là. Il est très vite devenu pour moi essentiel de me battre afin de donner un sens à tout ce que je venais de vivre. Au début, je me disais : « Je ne veux pas que l’on dise que le papa d’Antoine s’est laissé plonger dans l’alcool et mourir de chagrin ». Je tenais à rester digne face à tout ce qu’il m’a apporté. Je me dis encore aujourd’hui qu’Antoine a toujours voulu mon bonheur et qu’il n’y a aucune raison qu’il n’en soit maintenant plus ainsi.

C’est pourquoi j’ai décidé de me laisser tenter par la Vie, plutôt que par la mort qui me côtoyait alors de si près… Je pus enfin commencer à oser recroire en la Vie, à me reconstruire et à abattre les mûrs intérieurs que je m’étais fabriqué en guise de protection. Il me fallait tenter de retrouver la confiance en moi qui avait été anéantie et canaliser ma colère qui était latente afin qu’elle ne se transforme pas en haine. J’avais tout à réapprendre, un peu comme si « mon disque dur » avait été effacé. Réapprendre à prendre soin de moi, à me respecter. Réapprendre à suivre mon intuition, à m’écouter et à écouter les autres. Réapprendre ce qu’est le bonheur, surtout à réaliser qu’il pouvait encore exister et qu’il se trouve parfois bien plus proche que ce que l’on pouvait imaginer. Réapprendre à rire. Réapprendre à aimer et à accepter d’être aimé. Réapprendre l’espoir et le sens de l’amitié. Réapprendre à me connaître, ou plutôt apprendre à reconnaître l’homme que je suis en train de devenir et à m’accepter ainsi.

Je n’ai jamais eu l’impression d’avancer à pas de géant. Mais j’avançais continuellement, à mon rythme. Chaque journée qui passait me permettait de poser un pied devant l’autre, de vivre une nouvelle expérience, de grandir. Il est vrai que je me suis parfois retrouvé face à des murs me semblant infranchissables. Et pourtant, malgré le découragement qui m’envahissait parfois, je me découvrais des forces insoupçonnées pour franchir les obstacles rencontrés. Des forces que je ne pensais même pas détenir en moi. D’où venaient-elles ? Je reste convaincu d’avoir puisé une énergie énorme dans l’élan d’amitié avec lequel mes proches m’accompagnent depuis plus de 7 années. Mais je ressens également que cette force porte un doux prénom… Antoine… Sa présence n’est pas physiquement palpable, mais il est bel bien là, pas aussi éloigné que l’on pourrait le croire, il m’accompagne…

C’est surtout rétrospectivement, en me retournant, que j’ai pu prendre conscience, avec humilité, de l’importance du chemin parcouru et d’en mesurer l’ampleur. J’ai réalisé que ma vie s’est métamorphosée. Il y a une vie « avant » et une autre « après », qui s’est bâtie avec les enseignements tirés des épreuves traversées. Ma vie m’appartient, je l’assume et pour rien au monde je ne voudrais l’échanger contre une autre. J’ai appris à mieux me connaître, cette épreuve m’a révélé tel que je suis devenu, avec mes faiblesses et mes forces. Antoine me manque incontestablement. Malgré cela, ma vie est aujourd’hui plutôt belle et j’ai remarqué que la souffrance tranchante du début, a fait place à un apaisement du cœur et des sentiments. Je sais que le prix payé pour y arriver est incalculable, mais c’est cela qui m’aide aujourd’hui à profiter pleinement et simplement des petits bonheurs quotidiens…

Je parlais tout à l’heure du fait qu’il était important pour moi de trouver un sens à la mort d’Antoine et de sa maman. Ce sens, je l’ai trouvé dans le dialogue, le partage et l’écoute. C’est la raison de mon engagement auprès de « Parents désenfantés ». J’ai pu y puiser une énorme richesse. D’autre part, je ne peux m’empêcher de penser que, si un jour, j’arrivais à donner ne fut-ce qu’une lueur d’espoir à un parent ayant perdu un enfant, Antoine ne serait pas mort pour rien… C’est pour cela que je peux pleinement apprécier un simple petit sourire, car il remplace bien des mots…

Alors, si je me repose la question du début : « Pourquoi donc aurais-je dû me battre pour vivre ? ». Je réponds aujourd’hui, qu’en osant faire confiance à la vie, j’ai appris que rien n’est jamais perdu d’avance pour qui veut avancer sur le chemin de la vie. Il s’agit d’un cheminement, certes difficile, mais tellement enrichissant et beau.

Jean

Je m’appelle Martine, je suis la maman de trois enfants, Virginie, Michaël et Caroline, mon fils, Michaël s’est suicidé par pendaison quelques jours après son anniversaire de 23 ans, le 18 décembre.
Au plus profond de moi, j’étais désespérée, j’avais bien perçu que quelque chose n’allait pas pour Michaël, mais je ne comprenais pas pourquoi, mais pourquoi n’avait-il rien dit ? Je m’en voulais de ne pas lui avoir parlé «autrement». Un immense flot de culpabilité m’a envahie, je me sentais comme une très mauvaise mère, qu’ai-je faite pour ne pas réussir à lui donner le goût de vivre.
J’avais l’impression de porter sur le front une étiquette «mère d’un enfant qui s’est donné la mort… qui s’est suicidé», comme une condamnée, cela m’obsédait, j’avais honte aussi vis-à-vis de mes parents, ma famille, mes amis, comment vais-je survivre à tout cela.
En faisant le bilan de ma relation avec mon fils, de ce que je n’avais pas pu faire pour l’aider, l’écouter, tout cela m’a permis de me remettre en question et de voir ma part de responsabilité, mais aussi de mon impuissance à rendre les autres heureux malgré eux..
J’ai pu me mettre en colère contre toute cette souffrance que Michaël nous a fait subir, cela m’a libérée d’un grand poids, j’ai aussi compris la grande souffrance dans laquelle il était, qui l’envahissait tout entier et l’isolait de notre monde.
Chez Parents désenfantés, j’ai pu témoigner de ce long chemin douloureux, là je ne me sentais pas jugée, d’autres parents pouvaient écouter eux savaient ce que c’était de perdre ce qui leur était le plus cher.
Doucement, ma grande culpabilité s’est transformé car, malgré le manque terrible de mon grand garçon, mon amour pour lui est toujours aussi vivant et me pousse à aller vers les autres pour donner aujourd’hui un nouveau sens à ma vie, je voulais qu’il soit fier de moi, sa maman.
Jamais je n’aurais cru pouvoir survivre à une telle épreuve. La peur de l’oublier m’a habitée tout un temps, c’est peut-être parce-que je ne pense plus à lui avec autant de regret et de tristesse, pourtant il est bien présent dans ma vie car je partage souvent mes pensées et mes doutes avec lui, cette présence «autre» me donne une certaine paix qui m’a aidé à me réconcilier avec moi-même et la vie.

Martine


Ce 24 avril 2010, premier anniversaire du décès de notre fils olivier.

Il nous fallait faire de cette journée un hommage à Oli, mais un hommage qui lui ressemble comme si il l’avait organisé lui-même. Nous avons opté pour un grand barbecue chez nous, dans cette maison qu’il aimait tant, tous ont répondu présents (avec quelques appréhensions avouées bien plus tard). Nos proches, tous ses amis avec leur famille, ce fût une très belle journée d’échange de souvenirs vécus avec notre Oli. Chacun avait une anecdote à raconter. Il est vrai que par moment ce fût difficile pour Jean-Pierre, mon mari, et pour moi de les revoir tous comme avant ce drame qui a fait basculer nos vies dans ce cauchemar éveillé, dans cette douleur de chaque instant.

Mais nous pensons que pour Maxime et Lucie, ses 2 enfants de 9 et 11 ans, il est important que nous restions debout, de leur parler de qui était leur père qu’ils adoraient. Nous n’avons pas affiché de photos d’Oli, mais une simple ardoise avec ses mots : IL FAUT COMPENSER L’ABSENCE PAR LE SOUVENIR, LA MÉMOIRE EST LE MIROIR OU NOUS REGARDONS L’ABSENT. Cette phrase, moi, sa maman, je la relis très souvent. Elle est ma “béquille pour rester debout”.

Olivier avait 33 ans et sa vie s’est arrêtée un 24 avril 2009. La voiture est, à mon sens, le plus grand prédateur de nos enfants.

Monique, une Maman parmi d’autres


Il y a 28 mois que Léa nous a quitté en laissant un vide énorme derrière elle…
Avec elle, s’en est allé la maladie et son stress, les médicaments, les visites à l’hôpital.
Plus de docteurs, plus d’enfants malades, plus d’hospitalisations, du temps, beaucoup trop de temps.
Au début, noyés par le chagrin, nous avons survécu tout simplement en laissant passer les jours.
Nos aînés, soulagés de ne plus voir souffrir leur soeur ont repris leur vie tant bien que mal.
Nous avons repris le travail et Léa est partout où nous sommes.
L’entourage ne sait pas tellement quoi faire… «Allez, sortez un peu, cela vous changera les idées !!!!».
Mais nous n’avons pas envie de nous changer les idées.
Les photos sont partout, elles font souffrir mais pas question de les enlever.
Notre bébé est là, souriante à jamais, accrochée au mur, sur la cheminée etc.
Les semaines, les mois passent, la première année est la plus difficile, dit-on.
Premier anniversaire sans elle, première Saint-Nicolas sans elle, Noël n’est plus une fête de famille car notre famille n’est plus complète.
Durant cette deuxième année, nous avons réorganisé notre vie ou plutôt elle s’est réorganisée toute seule. Nous vivons une autre vie, celle de l’après Léa.
Il y a des hauts et des bas, les anniversaires sont toujours aussi douloureux, les fêtes de famille sont difficiles.
Nous ne voyons plus certains amis et très peu d’autres. Ils ne comprennent pas toujours notre isolement… Nous ne leur en voulons pas, c’est vrai que nous avons tellement changé…
Dans la vie courante, tout est fait pour nous rappeler notre enfant, à chaque évènement, nous pensons à eux, à leur absence, à ce qu’ils auraient été.
Malgré tout ce que nous ressentons, nous continuons notre chemin, nos autres enfants nous poussent, eux aussi ont souffert de la maladie de leur soeur, de notre absence, de voir leurs parents tristes.
Nous essayons d’être positifs et de profiter de chaque instant. Léa nous as appris tant de choses comme le courage, la volonté et le plus important : l’amour.
Sans elle, nous serions passés à côté de tout cela, sans elle, nous n’aurions pas pris conscience du bonheur des instants tout simples passés à ses côtés.
Notre fille était un être exceptionnel, Jaques Brel disait «l’important n’est pas la longueur d’une vie mais son intensité» et pour Léa ce fut le cas.
Merci Léa de nous avoir tant apporté….
Merci Léa de nous avoir montré le sens réel de la vie…

Joëlle


Les premiers instants après le décès de Léa, j’ai ressenti comme un soulagement, je ne la verrais plus souffrir mais en à peine quelques heures, le manque s’est fait ressentir, elle n’était plus près de nous et une douleur viscérale s’est emparée de moi, j’étais amputée de ma fille et je le suis toujours aujourd’hui.

Ce manque qu’il faut apprivoiser, a pris des années. Des années pour apprendre à vivre sans elle.

Au début, je ne comprenais plus rien de ma vie, tout était cassé, ravagé, dévasté, un véritable tsunami. La maladie prend beaucoup de place dans une famille et tout était fait en fonction de Léa et puis là plus rien, plus que l’absence et l’immense chagrin qui nous laissait à peine de quoi respirer.

Je me disais que lorsque certaines étapes seraient passées comme par exemple le jour de son anniversaire, la saint Nicolas, les fêtes de fin d’année etc…, cela irait mieux. Mais au terme de cette première année, c’était pire, nous avions vraiment pris conscience de son absence.

Et puis, cette absence fait aussi qu’il faut finir par enlever les objets personnels, les vêtements, laver les derniers qui se trouvent dans le fond du panier à linge, ceux qui portent encore l’odeur, enlever la brosse à dent, s’habituer à mettre une assiette de moins à table et une multitude de gestes qu’il faut se déshabituer à faire. Tout cela demande un effort considérable et du temps, ce sont des épreuves extrêmement difficiles à réaliser. D’ailleurs certains parents n’y arrivent que difficilement et parfois pas.

Nous avons trois autres enfants, on nous le rappelait régulièrement «  vous avez encore trois enfants et ils ont besoin de vous ». Oui cela je le sais mais c’est tellement difficile quand on est soi-même en souffrance.  Et puis eux aussi ont leur peine, eux aussi ont perdu leur sœur et je dirais même une partie de leurs parents car nous ne serons plus jamais comme avant. Alors moi, leur maman je pleurais en cachette et probablement que mon mari faisait pareil. Tout le monde se regarde, se protège, observe la moindre émotion pour ne pas en rajouter car rien que le fait d’en parler annonce un débordement de larmes. Et finalement la fratrie ne parle que très peu de leur chagrin de peur de raviver la peine de leurs parents.

Nos enfants, petit à petit, nous les avons redécouverts après le décès de Léa tant nous étions braqués sur elle et sa leucémie, ils ont vraiment beaucoup soufferts pendant ces 11 années de maladie. Nous avons pourtant essayé de faire du mieux que nous pouvions et ils le savaient car ils nous ont souvent dit qu’ils avaient manqué de présence mais pas d’amour. Nous avons aujourd’hui des liens profonds avec eux, ils sont formidables et ils savent que nous serons toujours là pour eux quoi qu’il arrive.

Le cerveau humain est très bien fait car il nous oblige à passer par certaines étapes pour assimiler la mort de notre enfant. Aujourd’hui nous parlons plutôt d’oscillations que d’étapes de deuil.

En effet nous oscillons d’un état à l’autre…..du passé au présent, homme, femme chacun a sa manière. Il n’y a aucun mode d’emploi dans le deuil. Le ressenti est propre à chacun. Certains ressentiront de la colère, d’autres pas, certains seront dans le déni total ou encore dans la dépression, d’autres dans l’hyper activité.

Beaucoup d’entre nous parlent de date charnière, une vie avant et une vie après le décès. Nous avons changé dans cette autre vie et c’est là la difficulté pour l’entourage, c’est accepter qu’on ne soit plus comme avant.

C’est accepter le fait que l’on n’ait pas envie de se changer les idées, pas envie de se distraire, pas envie de voir du monde, pas envie de penser à autre chose. C’est accepter d’être là, à nos côtés et de nous tenir la main tout simplement.

Il n’y a rien à dire à l’impensable…..il n’y a qu’à attendre que ce soit moins douloureux et cela peut prendre du temps car même plusieurs années après le décès, la douleur se ravive régulièrement.

Nous vivons dans un monde où la mort et la tristesse qui l’accompagne n’a pas beaucoup de place, les émotions sont bien souvent refoulées ou interprétées comme signes de faiblesse et petit à petit notre peine finit par déranger. Si nous parlons de notre enfant, ce que nous avons énormément besoin, les personnes en face de nous se taisent et sont mal à l’aise car ils ne savent plus quoi dire. Un an ou deux après le décès de l’enfant, les condoléances ne sont plus d’usage et parfois ils pensent que nous ne faisons pas notre deuil alors que nous avons juste envie de parler de lui même si cela amène de l’émotion.

Mais c’est quoi faire son deuil ?

Ça aussi c’est impensable car on ne fait pas le deuil de son enfant.

C’est alors que le groupe de parole a toute son importance que ce soit juste après le décès ou bien des années plus tard.

Très vite j’ai ressenti le besoin d’en parler mais pas avec n’importe qui, avec des parents qui vivaient la même chose que moi. J’ai contacté l’asbl « Parents désenfantés » créée et gérée uniquement par des parents ayant perdu un enfant. Et là je me suis sentie comprise, non je n’étais pas folle, ce que je ressentais était normal dans ma situation. Je me suis sentie  écoutée, entendue et comprise.

Annick Ernoult dans son livre « Apprivoiser l’absence » parle d’écho-résonnance. Ce que l’autre me disait faisait écho chez moi, nous avancions sur le même chemin, ô combien escarpé !

Le deuil est un processus fondamentalement solitaire mais c’est aussi une dynamique qui se nourrit de la présence et du soutien d’autrui et ce soutien est d’autant plus pertinent et profond qu’il provient de personnes qui vivent la même chose.

C’est tout le propos du groupe de parole ; rencontrer et partager avec d’autres personnes qui se trouvent dans la même situation de deuil.

Au départ, les parents pensent souvent que cette démarche n’est pas pour eux, ils craignent de ne rencontrer que souffrance et désolation et ils ont déjà bien assez avec la leur.

Mais c’est tout l’inverse qui s’y produit, certes les participants sont en souffrance mais c’est dans ce lieu privilégié qu’ils parviennent enfin à parler librement de ce qu’ils ressentent sans crainte d’être jugés.

Il existe dans le groupe de parole, une rare qualité d’écoute et de respect mutuel et parfois il se crée des liens d’amitié et de solidarité.

On y pleure bien sûr mais on y rit aussi et même si rien ne pourra réparer l’absence, on parvient néanmoins à prendre de la distance et de la hauteur par rapport à sa peine et cela fait du bien.

Le groupe de parole pour parents endeuillés est un lieu d’ouverture, d’espoir et de reconstruction intérieure.

Dans mon histoire, c’est le groupe de parole qui a permis de retrouver un certain équilibre dans ma vie.

La mort de Léa a laissé une trace indélébile en moi mais je vis avec cette cicatrice et curieusement peut être qu’elle m’a fait grandir, je vois la vie autrement, mes valeurs ont changé en mieux. J’y ai appris l’humilité et le respect.

J’apprécie la vie à sa propre valeur et je profite de chaque moment de bonheur.

Joëlle


La réunion avait débuté par la distribution aux participants d’un texte comportant les paroles d’une chanson de Louane. «  Si tu étais là  ». Cela m’avait surpris, touché dans mes tripes. C’était l’interprète de la chanson qui tintait dans nos oreilles lors de son départ violent, incompréhensible. « Je vole – Mes chers parents, je pars. Je vous aime, mais je pars. »

Ce n’était pas son envol d’indépendance, de conquête de la vie, de l’aventure comme dans la famille Bélier.

Malgré nous, elle avait quitté la vie.

J’étais dans l’émotion, dans la turbulence des sentiments de tristesse, de révolte aussi.

Elle avait tiré sa révérence, n’en pouvait plus de ce qu’elle vivait. Sa mise à pied à l’hôpital avait été le coup de grâce. Pourtant que de fois n’avions-nous pas fait face, comme ses amis proches, à l’angoisse qui l’avait envahie lors de la première alerte où elle s’était retrouvée proche du passage à l’acte. Les deux semaines de thérapie, au centre ouvert, avaient mobilisé ses dernières ressources et elle semblait avoir repris du poil de la bête, avoir retrouvé la source intérieure qu’un jour d’enfance, elle avait perdu. Rupture d’attachement qui faisait partie de son histoire, des aléas qu’une vie fait rencontrer à chacun. Fragilité qui l’habitait et dont j’avais perçu la profondeur et la présence.

À cette époque, elle était entourée, recevait des soins, semblait s’occuper d’elle-même, psychologue, psychiatre, médications l’accompagnaient dans le chemin difficile de son état, de la séparation avec son compagnon, de la colère de ses enfants partagés, à présent, entre deux domiciles.

Que de fois ne l’ai-je pas soutenu, aussi matériellement pour l’organisation de sa nouvelle vie qui semblait repartir cahin-caha. Fragile, elle devait affronter la solitude hebdomadaire due à l’alternance de la garde des enfants, à l’insatisfaction dans son travail à l’hôpital, aux autres services où elle était transférée, où elle devait malgré sa fatigue, sa vie intérieure bousculée, s’occuper des autres.

Ah, si elle avait été soutenue dans le tissu social que j’ai découvert sur l’Internet dans une vidéo d’enquête sur les succès d’un système de soins, là-bas dans le Nord (Open Dialogue- Dialogue Ouvert).

Tissu soignant en réseaux, organisé sans doute pour des pathologies spécifiques mais j’y crois pour d’autres pathologies. Ma colère comme une vague va s’écraser sur notre manière de soigner qui est cellulaire, chacun dans son coin.

Le soutien que je lui ai donné, trouvait sa force, dans ma quête personnelle, ma remise en question, mes sessions de méditation, mon intérêt pour la psychogénéalogie, les constellations familiales mais ils n’ont pas suffis.

N’était-elle pas aussi marquée par sa formation d’infirmière qui donne à la médication, toute la puissance de guérison. Non, je ne suis pas coupable d’avoir failli,  je suis responsable du message que je porte dans le blog à son hommage (Projet SAND et Blog d’hommage à Laurence) pour donner mon point de vue de père qui connaît ce qui n’est pas médicalisé, et qui à son importance.

Sous prétexte de liberté, de secret médical, des éléments essentiels sont écartés, négligés, ne sont pas partagés.

La semaine dernière, j’écoutais une vidéo de Boris Cyrulnik, orateur vedette et sage, qui terminait sa conférence au Copes sur la « Neuro-sociologie du suicide» par une recommandation « numéro un » qui allait droit à ma préoccupation envers ma fille, à l’intuition de son projet, son environnement de souffrance ;  « Augmenter et former les métiers de la petite enfance. »

Dans le labyrinthe de son exposé, j’en ai extrait que l’attachement comme le définit Bowlby est à prendre en considération. Sa rupture laisse une faille dans la personnalité. Certains la comblent, d’autres la dépassent, les plus sensibles n’y arrivent pas et tout leur arrive car ils ont perdu le vrai lien à la force vitale qui les fondent. Ils sont loin en réalité de celle factice, qu’ils portent en façade, dans l’agitation que l’on remarque et qui pourtant les coupe de la vraie source.

Mais qui suis-je, avec ma seule qualité, de père, non certifié ?

André


François,
mon bébé, mon petit d’homme, Bilou, mon fils,

Depuis ce jour où j’ai appris ta disparition, chaque fois qu’une boule me le rappelle en explosant au creux de mon ventre, je suis envahi
par tout ce que tu ne feras plus,
par tout ce que tu ne feras jamais,
par tout ce que je ne vivrai pas avec toi,
par tout ce qu’aucun de nous ne vivra pas ou plus avec toi.

Anne et moi allons devoir revoir à la baisse notre fourchette de prévision de petits-enfants : tu ne seras jamais père.

Tu n’inviteras plus tes petits neveux et nièces à… “Topons-là !”

Tu ne raconteras pas les aventures extraordinaires et pédagogiques des Raminagrobuls à tes propres enfants, ni d’autres, ni de nouvelles.

Moi, j’ai encore la possibilité de vivre en m’exhortant à respirer chaque jour à plein poumons, parce que chaque jour peut être le dernier ou, simplement, parce que chaque jour est unique.
Moi, qui ai tellement vécu comme s’il n’était jamais trop tard, comme si tout pouvait toujours être réparé, je vais devoir apprendre à vivre en cultivant ta présence dans notre seule histoire, dans mes souvenirs, et, je l’espère très fort, dans les fleurs que tu as déjà semées sur ton chemin et qui vont éclore sous tes pas.

Pour nous, ici présents, sauf pour toi, la vie se compose encore de ce que nous avons vécu et de ce qu’il nous reste à vivre.
Comme ce sera le lot de chacun de nous, à un moment ou à un autre, c’est déjà le tien de ne plus exister que dans la mémoire des autres, tant que celle-ci perdure.
Alors, pourquoi cela me fait-il si mal ? Pourquoi est-ce si dur à accepter ?
Combien de fois, ces derniers jours, m’a-t-on dit et ai-je dit moi-même : “C’est la vie à l’envers”, “il n’y a rien de pire que de perdre un enfant”, “ce n’est pas normal de survivre à un de ses enfants” ?
Mais pourquoi ? Pourquoi ce cri de souffrance profonde, bestiale, irrépressible ou trop vite réprimé ?
Existe-t-il un besoin instinctif de voir nos enfants nous survivre, devenu condition pour la survie de l’espèce humaine et dont nous sommes les héritiers ?

Bien sûr, il n’est pas… normal… de voir un de ses enfants mourir avant soi. Mais, normal, cela veut dire que ce n’est pas l’événement le plus fréquent. Pourtant, il n’est pas besoin de rechercher des statistiques, nous savons tous que cela arrive.
Nous connaissons tous quelqu’un à qui c’est arrivé.
Et à combien, parmi nous, cela est-il arrivé ?
Cela vient de nous arriver.

Est-ce injuste (“Qu’ai-je fait pour mériter une telle punition ?”) ?
Est-ce révoltant (“Le sort s’acharne sur moi !”) ?

J’aimerais ne pas être rempli de ces sentiments.
Alors, peut-on vivre une telle douleur autrement ?

François, tu ne croyais pas en Dieu. Je n’y crois plus depuis longtemps. Nous n’avons donc ni l’un ni l’autre l’espoir d’une justice ou d’un amour universels et rédempteurs, ni le réconfort d’une éternité réparatrice.

Alors ?

Serai-je capable de vivre sans m’indigner d’une durée de vie trop courte, pleine encore de promesses ?

Serai-je capable de vivre en sentant que tu remplissais ta vie et que c’est une vie pleine qui s’est brutalement interrompue ?

Serai-je capable de vivre en découvrant et en cueillant toutes ces petites fleurs que tu as semées sous mes pas ?

Serai-je capable de te retrouver au printemps dans les bourgeons du jeune arbre au pied duquel tu retourneras à la terre tout à l’heure ?

J’aurai cette force, François, et ce sera le plus bel hommage à rendre à l’homme qui a grandi près de moi.

Ton papa, Michel.


Petit dernier, Petite folie,
Nous t’adorons déjà!

C’est avec ces mots
Que nous t’avons accueilli au monde.
Mais quel monde, mon Dieu!
Ce n’est pas faute d’avoir lutté, Papa et moi,
Pour te l’offrir plus beau,
Dans l’amour et le partage.
Tu le sais, n’est-ce pas?

Combien de fois l’avons-nous refait, ce monde,
Au jardin, à la cuisine, à la veillée
Quand ta guitare berçait nos cœurs réunis?

Tant d’idéal dans ton cœur,
Tant d’amour dans ton regard,
Tant de désespoir à l’âme!

Nous n’avons pas mesuré ta souffrance.
Nous t’avons tant aimé,
Parfois trop, parfois mal,
Mais, tant aimé. Tu le sais, bien sûr.

Quel courage, il t’a fallu Quentin,
Partagé entre l’amour et l’insoutenable de ta vie.
Tu as choisi le plus terrible chemin
Pour préserver l’amour qui nous unit.

Envole-toi, mon ange.
Notre cœur t’accompagne
Dans la paix des étoiles.
Tu nous vois, n’est-ce pas,
Tu nous entends, tu nous souris.
A toi de veiller sur nous maintenant.
Merci pour ta bonne lettre,
Nous comprenons mieux
Et ton choix devient le nôtre.

Tu es, à jamais, vivant dans nos cœurs.
Nous te reverrons, là-bas où tout n’est qu’amour,
Partage et don.

Colette


Je reviens d’une réunion de l’association « Parents désenfantés »
Le fait même de pousser la porte de cette association prouve à lui seul qu’on a envie de se faire aider, d’être écouté, de partager son vécu aussi douloureux soit-il, et cela sans jugement (c’est une des règles principales !), sans risquer de gêner un auditoire qui comprend d’emblée l’importance de notre première démarche.
Les moins nouveaux écoutent, partagent leur expérience, et chacun avance à son rythme en se nourrissant du vécu de l’autre.
J’entends quelquefois cette petite phrase :
« Pour moi la vie s’est arrêtée le jour où il (elle) est parti(e)! »
C’est vrai que la vie s’arrête pour un temps : on est prostré, pétri de douleurs et de souvenirs,
Plus rien n’a de sens. L’absence prend toute la place.
Et pourtant, la vie continue c’est seulement qu’on voudrait qu’elle s’arrête.
On s’en veut d’abord à soi-même.
Parfois, il m’arrivait de fredonner un air entendu à la radio ; le temps de réaliser ce que j’étais en train de faire et je m’arrêtais net : tu ne peux pas, tu n’as pas le droit ! Quentin lui ne chante plus !
On en veut parfois à la terre entière, à ceux qui nous côtoient dans une belle insouciance.
Même les saisons nous narguent, qui passent et reviennent toujours.
Et pourtant, nous sommes là ! Nous essayons de nous aider l’un l’autre, nous cherchons une issue.
Alors quoi ? Si nous sommes là, c’est que nous n’avons pas choisi de mourir.
Notre corps a choisi la vie, notre âme a choisi la vie,
C’est notre esprit qui se rebelle :
culpabilité, rancœur, colère, vide inconsolable, peur de trahir notre enfant disparu,
tant de choses laissées en place comme au premier jour du drame,
barreaux de la prison que nous forgeons nous-mêmes,
pour ne pas oser vivre,
pour rester avec lui…
Nos enfants nous aiment, ils ne demandent pas qu’on se torture !
Il nous faudra un jour décider, consciemment, volontairement,
De vivre, et non plus de survivre,
Nous sommes les seuls à détenir la clé.
Pour l’instant, c’est la vie qui nous porte,
Comme le brancard porte précieusement le blessé vers sa guérison.
Le temps qui passe est son ami, qui soigne patiemment les blessures les plus vives.
Laissons nous porter avec humilité…
Je suis étonnée aussi d’entendre souvent dans les échanges ce petit bout de phrase :
« J’ai la chance de… »
Comment pouvait-on imaginer prononcer ces mots là ?
Je l’ai dit moi aussi.
C’est bien là prouver que la vie nous porte encore !
Et finalement je me dis souvent : S’il suffisait d’aimer, S’il suffisait d’accueillir l’instant, le partage, une rencontre don qui nous pousse en avant, tous ces petits riens qui nous donnent l’envie de croire encore à la vie.
Merci à tous les bénévoles de Parents désenfantés.

Colette


Je m’appelle Lucia et je suis la maman de 4 enfants.
Vincenzo avait 3 ans, quand nous avons eu la joie d’accueillir une petite fille à la maison. Très vite il a fallu se rendre à l’évidence, Michela est née avec un problème de santé, et très vite Michela a dû quitter la maison. Tout au long de sa courte vie, plus aucun jour n’était semblable, les jours pleins d’espoir étaient de courte durée. Un triste jour d’hiver elle nous a quitté.
Je ne peux trouver de mots pour parler de la douleur que j’ai ressentie et je n’ai pas trouvé d’antidouleur pour soulager ce mal qui me rongeait. Mais il fallait être forte, Vincenzo avait perdu sa petite sœur qu’il avait tellement demandée.
Les années passent et il y a le manque, le manque de temps que nous n’avons pas eu pour faire connaissance, je n’ai pas eu le temps de te bercer, de te chanter de belles berceuses, de t’apprendre à faire tes premiers pas, ou simplement le manque de te serrer contre moi. A ce moment-là, je n’avais pas conscience de tout ce manque de toi, il fallait aller de l’avant et continuer à vivre.
J’ai été soutenue et protégée par ma famille et aujourd’hui, je ne sais plus si c’est cela qui m’a permis d’avoir moins mal, mais j’avais compris qu’il ne fallait pas parler de Michela, ne pas réveiller la douleur encore et encore…
Aujourd’hui, Michela n’est plus là mais je pense que la vie vaut la peine d’être vécue et qu’elle m’a apporté d’autres joies qui ont adoucis ma peine. J’ai eu deux autres fils après elle, Antony et Michele m’apportent aussi beaucoup de bonheur.

Lucia


Je suis la maman de Frédéric et de Cédric.
Cédric est mort d’un arrêt cardiaque le 21 novembre 1995, il n’avait pas encore 17 ans.
Cette mort inopinée et toujours inexpliquée à ce jour a fait voler mon monde en éclats. Plus rien n’avait de sens dans ce face à face avec la mort, physique et psychologique… j’étais anéantie.
J’étais entourée, la famille, les amis et surtout mon mari et mon fils, mais ils étaient eux même en grande souffrance.
Frédéric avait perdu son petit frère et JP mon mari, son fils cadet, son complice avec qui il partageait presque toutes ses occupations ainsi qu’une très grande passion pour les chevaux !
Après quelques mois de « coma » je me suis demandée comment j’allais survivre à un tel drame.
Je me suis souvenue qu’il existait une association pour les parents en deuils. Par l’intermédiaire de mon médecin traitant j’ai eu les coordonnées de «Parents désenfantés». J’ai mis des semaines avant de prendre contact, j’avais l’adresse, mais je ne trouvais pas la force de téléphoner. C’est finalement une amie qui a appelé pour moi.
Je voulais savoir si je pouvais espérer calmer cette tempête en moi, cette révolte, cette rage.
Je cherchais mon fils partout !
J’avais mal et je faisais mal.
J’ai écarté certaines personnes, j’en ai rejoint d’autres. Celles-ci m’ont aidée petit à petit à voir plus clair en moi.
Grâce à l’écoute bienveillante de mon cercle de relations, je peux (encore aujourd’hui) partager ma souffrance et mes émotions à travers des conversations, mais aussi des activités telles que la marche, des cours collectifs et des formations.
J’avance dans la vie mais celle-ci est très différente.
«J’avance» c’est d’ailleurs le titre d’une chanson de Nicolas Peyrac que j’écoutais et qui illustrait parfaitement ma façon de fonctionner du moment.
Aujourd’hui notre famille s’est agrandie: Frédéric a fait sa vie avec Béatrice, ils ont deux enfants Eva et François. Ces deux petits bouts font notre bonheur et nous tirent vers le haut.
Nous voici fin d’année, période encore plus difficile pour nous tous.
Les fêtes de famille, que représentent encore les réjouissances quand l’absence est si cruellement ressentie.
En moi la présence de Cédric est omniprésente, cette cicatrice encore douloureuse m’autorise à vous lire cette formule que JP (mon mari) utilise.
Nous avions l’habitude de regarder (la vie) par une seule fenêtre, un jour celle-ci fut brusquement murée ! Forcés, nous avons ouvert d’autres fenêtres et vu que, Oui, la vie est toujours très belle… Mais nous vivons autrement.

Marie-Anne


Le deuil périnatal est un deuil à part entière mais qui malgré le nombre important de parents touchés, reste encore assez peu pris en compte. Pourtant la souffrance des parents devant la perte de leur bébé est bien réelle et nécessite une prise en charge et une attention particulière, de la part du personnel soignant mais surtout de la famille et des proches.

Le 15 octobre dernier, c’était la journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal. Cette journée permet de mettre en lumière ces cas très particuliers des nourrissons morts juste avant le moment de la naissance ou immédiatement après leur naissance.

Le symbole du ruban rose et bleu est utilisé à cette occasion. On le retrouve fréquemment sur les réseaux sociaux en signe de soutien au deuil périnatal.

Ce geste de soutien symbolique peut être très important afin d’accorder à ce deuil la reconnaissance sociale qu’il mérite et ainsi aider des milliers de parents dans leur chemin de deuil. Car chaque petit geste participe à faire avancer et à sensibiliser le grand public au deuil périnatal.

En Belgique, environ mille familles vivent chaque année le drame de perdre un bébé en cours de grossesse. Actuellement, dans notre pays, les fœtus nés sans vie avant 6 mois de gestation (180 jours) n’ont aucune existence officielle. Ils ne sont pas portés sur les registres de l’état civil et ne reçoivent officiellement pas de prénom. La règle des 180 jours a été définit par une circulaire du ministère de l’intérieur datant du 13 décembre 1848.

Ces 10 dernières années, plusieurs propositions de loi tendant à modifier la définition des enfants mort-nés, ont été déposées en vue d’abaisser la limite légale de la viabilité à moins de 180 jours, s’alignant ainsi aux recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) qui reconnait la viabilité des fœtus à partir de 22 semaines d’aménorrhée et un poids d’au moins 500 grammes. La France, les Pays-Bas, la Suisse, le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni ont déjà recours à ces critères pour reconnaître les bébés mort-nés à l’état civil.

Ce 19 juillet dernier, la Ministre de la Justice Annemie Turtelboom (VLD) a porté devant le Conseil des Ministres un avant-projet de loi, cosigné par la Ministre de la Santé publique, Laurette Onkelinx (PS). Cet avant-projet de loi a été approuvé en première lecture par le Conseil des ministres. Il a ensuite été envoyé pour avis au Conseil d’État. Le chemin peut encore être long avant de voir cette loi publiée. Elle n’est donc pas encore mise en application.

Si cet avant-projet de loi se voit publié un jour, cela aura pour conséquence concrète d’offrir la possibilité aux parents d’inscrire leur bébé mort-né (entre 140 jours et 180 jours de gestation) dans les registres de l’état civil. Cette inscription précisera l’identité des parents, le nom et prénom de l’enfant, son sexe, l’heure et le lieu de l’événement et offrira par là-même une reconnaissance juridique et sociale cruellement manquante à l’heure actuelle.

Lætitia


Aujourd’hui, un an après, je me mets à écrire pour tous ces autres qui rencontrent la mort, pour essayer de dire ce qui est parfois indicible, le chemin de deuil impossible, ce long parcours au jour le jour, d’avancées et de reculs, pas à pas, coûte que coûte parce qu’on a pas le choix, la descente aux enfers qui broie, casse, plonge dans ce monde obscur sans appel, sans issue.
La mort fait partie de la vie, de ma vie cette fois. Elle m’unit à tous ceux qui ont vécu ou vivent ces deuils terribles quand elle terrasse des jeunes, sépare des parents de leurs enfants, des frères et sœurs, des amis.
Ce n’est plus le deuil d’autrui qui laisse désemparé et qu’on ose pas trop aborder.

Si j’écris, c’est pour dire à d’autres que je suis debout, mes enfants et mon mari aussi, nous sommes debout et savons aujourd’hui que la mort ne peut pas TOUT emporter, qu’on peut apprendre à vivre avec elle, à espérer encore des petits coins de ciel bleu même si elle a tout coloré de teintes différentes. Leur dire qu’au début, ces paroles m’étaient inaudibles, inconcevables.

Si j’écris, c’est aussi pour moi, pour me renforcer, faire apparaître au détour des mots de manière forte ce qui n’était, tout au long des saisons, que balbutiements, tâtonnements, avec des retours en arrière : oui, il est possible de vivre.
Comme si nos morts veillaient sur nous.
Mais il est sûr que rien ne sera plus jamais comme avant.
Il y aura toujours un avant et un après…

Sylvie


Ce 14 janvier, voici 8 ans que nous a quittés Mathilde. Tout se bouscule dans ma tête, je ne sais par où commencer… Il y a longtemps que j’ai envie d’écrire mon, notre vécu depuis ce drame, mais suis-je prête ?

A 12 ans, Mathilde était une enfant presque parfaite, ainsi l’avons- nous décrite à l’équipe médicale et paramédicale qui nous a accompagnés au moment de son décès après une période de 3 semaines dans un coma dépassé. A son chevet, j’ai appris la patience et ai pu profiter de sa présence jusqu’à son dernier souffle. Nous avons été soutenus à tout moment et le sommes toujours aujourd’hui.

Jamais je n’aurais cru me retrouver en vie ce jour, tant la tentation a été grande de vouloir la retrouver, pensant que c’était le seul moyen de mettre fin à ma douleur, mon immense tristesse, au manque de ma fille chérie. Il en a fallu du temps pour que je puisse m’autoriser à me projeter à nouveau, à sourire des petits bonheurs, à me réjouir des grands bonheurs, à rire, à accepter de profiter de mes magnifiques enfants qui grandissent, construisent leur avenir avec leur peine parfois exprimée, souvent discrète, leur présence toujours bienveillante. J’ai longtemps cru que ma souffrance prendrait le dessus…C’était sans compter sur le soutien et l’amour de mon époux et de mes proches.

Le départ de Mathilde m’a donné cette chance immense de faire de magnifiques rencontres. “Parents Désenfantés” en est une…. Se rendre compte que tant de parents touchés par la perte de leur enfant arrivent, malgré la souffrance indescriptible, à se lever chaque matin, a été pour moi un moteur de chaque jour. J’éprouve encore aujourd’hui une admiration sans borne pour l’équipe qui nous a accompagnés mon mari et moi pendant plusieurs années, elle m’a donné la force de vivre, de croire à un “après” possible!

De ces 8 années d’absence de Mathilde, malgré la souffrance et la douleur, je me dois de retenir tant de belles choses qu’elle a générées ! Le soutien de mes collègues qui, chaque jour, s’assurent qu’une bougie veille sur Mathilde dans notre bureau, des actions à sa mémoire pour récolter des fonds pour le service de réanimation pédiatrique de Woluwe, mobilisant tant de bonnes volontés, la solidarité de notre voisinage, la présence de nos proches, de nos amis, les attentions discrètes toujours présentes à ce jour…

Ma chérie, tu me manques tellement mais ton absence génère tant de belles choses…. Je ne puis que te remercier et me dire que là où tu es, tu veilles à ce que notre vie soit la meilleure possible….
Je t’aime Mathilde.

Christine


Je m’appelle Danièle. Je suis la maman de France, décédée brutalement le 24 décembre 1998, suite à une méningite foudroyante.
Elle avait 14 ans et respirait la joie de vivre. Elle était ma fille unique.
Elle avait une personnalité très forte et ne laissait personne indifférent.
Je me souviens d’un mot écrit par un de ses professeurs :
«mais que de complicités quand elle vous avait adopté !»
France vivait à du 100 à l’heure comme si quelque chose la poussait à faire vite. Je lui disais : «France, tu n’as que 14 ans. Tu as toute la vie devant toi !»
Elle avait une fibre sociale particulièrement développée : toujours tournée vers les autres.
Elle est partie au moment où «copains, copines» prenait beaucoup de place. Elle se détachait de moi… que je le veuille ou non. Elle avait un besoin de liberté hors du commun. Je dois reconnaître qu’à certains moments, j’étais déstabilisée. Pour moi, elle était toujours ma petite fille…elle n’avait que 14 ans.
Pour son âge, elle avait une grande maturité et nous a laissé des messages très forts :

«Ose le meilleur de ta vie car personne ne la vivra pour toi. Ne te fie pas aux apparences, seul le cœur compte. L’Amour, c’est la Vie.»

Sa disparition nous laissait anéantis. L’horreur était à son paroxysme.
Comment pouvoir vivre sans elle ? Ne plus la voir ! L’entendre rire ! Être privée de son sourire !
Ma vie n’avait plus aucun sens.
Tout à coup, plus rien n’est comme avant. Vous pensez vivre un cauchemar et vous réalisez que c’est la réalité.
Dans un premier temps, la lecture a été, sans aucun doute, ma bouée de sauvetage.
J’ai dévoré des livres et des livres parlant de l’Au-delà.
J’avais besoin de trouver des réponses aux questions que je me posais. C’était, pour moi, une façon de la rejoindre.
Encore aujourd’hui, il m’arrive de relire un de ces livres. Je le lis différemment.
Très vite après le départ de France, j’ai connu l’Association. C’était vital pour moi de rencontrer d’autres parents, de voir comment on pouvait survivre et continuer. Nous y sommes restés quelques années, mon mari et moi.
Chaque rencontre nous permettait de parler de France et de partager notre souffrance avec d’autres parents.
L’Association m’a permis, aussi, de tisser des liens.
Depuis 8 ans, nous cheminons avec des parents ayant perdu, eux aussi, leur fils unique : David.
Chaque dimanche, nous nous retrouvions et cela nous faisait du bien. Nous étions sur la même longueur d’ondes. Aujourd’hui, encore, nous partageons beaucoup de choses ensemble.
Nos enfants sont, c’est notre conviction, à l’origine de notre rencontre et de cette amitié sincère et très forte.
Merci à eux.
Ce partage nous a permis, sans aucun doute, d’avancer et d’adoucir notre souffrance et de reprendre, peu à peu goût à la vie.
C’est pourquoi, aujourd’hui, je m’investis dans l’équipe pour accompagner d’autres parents traversant la même épreuve.
Je fais aussi du bénévolat en clinique. Me tourner vers les autres et me sentir utile est très important pour moi.
Nous avons, mon mari et moi, toujours beaucoup parlé de France. Elle est encore présente dans tout ce que nous vivons et partageons au quotidien.
Quant à moi, après 9 ans, je ne suis plus la même : j’essaie, mais ce n’est pas facile, de ne plus me laisser envahir par les mesquineries, la méchanceté et tout ce qui peut me blesser.
J’ai, aussi, une plus grande confiance en moi : j’ose m’affirmer, dire ce que je pense et déranger s’il le faut.
Je m’écoute plus et je me mets mes propres limites.
En quelques mots, j’essaie de me respecter tout en respectant l’autre.
C’est aussi dans la prière que je trouve force et consolation.
Aujourd’hui, je suis convaincue que France vit ailleurs dans une autre dimension, qu’elle poursuit sa route et qu’elle m’accompagne sur ce chemin difficile.
Je veux qu’elle soit fière de sa maman. C’est ce qui a toujours fait ma force et donne sens à ma vie.
Elle est et restera le moteur qui me fait avancer.
La cicatrice n’est plus aussi vive. J’ai appris à vivre «avec» mais le manque physique est toujours là.
Chaque jour, je lui demande de vivre un peu mieux son message d’amour.
Je la remercie de m’avoir permis de devenir la maman que je suis aujourd’hui et je garde l’espoir de la revoir un jour.
Merci pour votre écoute attentive.

Danièle


Quand nous avons perdu notre fils Christopher le 4 août 2010, notre vie a basculé dans la douleur, l’horreur et l’incompréhension complète. Jamais je n’aurais imaginé dans mes pires cauchemars qu’une chose aussi horrible pouvait nous arriver.

J’ai été si certaine que l’immense amour que je portais à mon enfant le protégeait des malheurs de la vie mais j’ai appris depuis ce drame qu’on ne connait jamais à fond une personne même lorsqu’on est une famille aimante, soudée et proche comme la nôtre me semblait être. Je me rends compte maintenant que je vivais sur un petit nuage avant et la seule chose positive qui me reste de cette expérience inhumaine, c’est la certitude que je ne souffrirai plus jamais à un point pareil et ça donne une force pour me battre et trouver des raisons de continuer à vivre même sans lui surtout que j’ai l’énorme chance d’avoir deux magnifiques filles qui adoraient sans limite leur frère et qui sont aussi désemparées que moi et je me dois d’être là pour elles, de me forcer à redevenir un peu la maman que j’étais avant.
Christopher s’est suicidé le 4 août sans même nous laisser une explication même si par la suite nous avons eu quelques indices quant aux problèmes éventuels qui auraient pu le conduire à cette décision. Il aurait pu être aidé mais malheureusement pour lui et surtout malheureusement pour nous, la personne à qui il s’est confié n’a pas pris son désarroi au sérieux et je me force aujourd’hui à ne pas trop penser à elle car je sais si bien que les pensées négatives ne font pas avancer que du contraire.
A l’occasion du premier anniversaire de la mort de Christopher, j’ai rêvé de lui et le lendemain j’avais des paroles qui tournaient dans ma tête sans cesse qui sont devenues les paroles de la chanson que j’ai écrite pour son mémorial que nous avons mis sur youtube.
Je sais que ça fait du bien à ses amis, à notre famille d’aller voir ces photos de temps en temps ; il n’y a pas de honte à pleurer, c’est que naturel ! L’amour fait tant de bien mais ça fait aussi parfois tellement mal. J’ai traduit les paroles en français mais vous pouvez aller voir l’original sur youtube avec les indications plus bas.
J’aimerais juste dire quelques mots à vous tous qui avez perdu un enfant, peu importe l’âge ou les circonstances, vous avez le droit de pleurer même des années après, personne ne le remplacera jamais et on avance chacun à son rythme dans le long chemin de l’acceptation et la « guérison » ; je vous envoie à tous mes pensées pleines d’espoir, d’amour et je vous comprends tant.

« Chanson pour Christopher »

Chris mon Amour,
Je n’arrive toujours pas à croire que ta vie s’est terminée comme ça.
Tu sais tu nous as  laissés tous avec le cœur brisé ; on t’aimait tellement depuis ton tout premier jour.
Et le temps ne pourra jamais effacer le choc et la douleur de ce matin-là où on a découvert ce qui a été fait et réalisé qu’on venait de perdre notre seul fils.

Chris mon Amour,
C’est incompréhensible pour nous que ce soit arrivé.
Si seulement nous avions su ce que tu vivais. Pensais-tu réellement que l’aide dont tu avais besoin allait venir de ceux qui le savaient ??????
Et nous sommes abandonnés dans cet état de tristesse, mais nous essayons de pardonner pour ne pas vivre dans la haine. Pourtant, pour nous c’est si pénible car on sait maintenant qu’ils ont joué avec ton cerveau et ton cœur.

Chris mon Amour,
Nous sommes absolument convaincus que tu ne voulais pas réellement cette fin.
C’est si triste que ton avenir et nos vies soient ruinées, mais tu sais qu’on appelait ça « l’effet papillon ».
Alors mon Amour avec cette chanson je veux juste te dire qu’on ne t’oubliera jamais, pas un seul jour.
Tant aimé par tes vrais amis et ta famille, tu pourras maintenant reposer en paix, loin de tes angoisses, ta culpabilité et de ta douleur.
Tu es libre mon fils.

Lien de la chanson : http://www.youtube.com/watch?v=zekj3FkCxVc

Ou allez sur Youtube et tapez Christopher Cambiolo Memorial.

Anne


Il y a un peu plus de quatre ans, en plein hiver, notre fils Jean-David, arrivé 14 mois plus tôt de Colombie, est mort tout à fait subitement d’une péricardite.
Et nous voilà à nouveau deux à la maison, sans les cris, ni les rires, ni les pleurs, sans ses premiers mots balbutiants, sans son éveil à la vie. Tristesse, incompréhension, révolte nous ont régulièrement habités. Comment, dans ce trou noir, poursuivre notre projet de famille ? Nous devions, le lendemain de sa mort, aller à la commune pour clôturer le dossier administratif de l’adoption d’un second enfant. Au début, j’ai voulu tout plaquer, abandonner. Plus jamais d’enfant. Panique, rejet … Cela va arriver aux autres.
Mais, quelque part sur la cheminée du salon, près des photos de Jean-David, un symbole important avait pris place dans notre maison et dans notre vie. Le soir même de la mort de notre fiston, sa marraine est venue nous embrasser en nous apportant des graines de tournesol, quelques graines de soleil.
Au cœur de l’hiver, au cœur de notre tristesse, là avec nous, nous avions ces graines toutes grises, sèches, apparemment sans vie. Il était un peu tôt pour les planter et dans notre cœur aussi, il était un peu tôt pour bondir à nouveau dans la vie.
Et, l’hiver s’est passé au rythme des larmes et des questions, mais aussi du soutien des amis et de nos familles. Et, finalement nous avons comme “opté” pour la vie. Nous avons poursuivi les démarches d’adoption et c’est à l’aube du printemps, fin mars, qu’on a planté ces graines de tournesol. De petites tiges frêles ont pointé leur nez. Grâce au soleil et à l’eau, elles ont poussé et tenu bon. Dans notre vie aussi, des espoirs, des bourgeons ont jailli, parfois encore bien timides et fragiles, prêts à retomber très vite s’ils manquaient de notre eau, de notre confiance, de notre force si facilement ébranlée.
Le printemps a fait son chemin dans nos cœurs, il nous a réchauffés, il nous a redonné des projets. Les tournesols ont commencé à germer, grandir et pousser. Ils sont devenus le symbole tout particulier de notre second fils François, que nous sommes allés chercher au mois d’août au Brésil et qui, à son retour, a vu jaillir le grand soleil au jardin.
Ce cycle de mort et de vie qui se vit dans la nature, ce tournesol qui chaque année redonne de multiples graines qui commencent par mourir pour ensuite regermer, c’est un peu notre vie à tous. C’était notre histoire il y a quatre ans, c’est notre histoire à tous aujourd’hui. Quel est notre printemps aujourd’hui? Y a-t-il un printemps pour nous après l’hiver, après la tourmente, après la douleur? Y a-t-il de petits germes timides? Les sentons-nous solides ou très frêles? Pouvons-nous revivre l’un ou l’autre petit projet qui nous mène au soleil encore embrumé et pas très chaud du printemps naissant.

Bénédicte



Cela fait un an et quelques mois déjà que, Ianis, notre fils ainé nous a dérobé de sa vie ! Il allait avoir 22 ans.

Je dis « déjà » mais en fait cette première année de deuil m’a semblé une éternité… La plus longue année de ma vie… Chaque jour qui passait était une lutte contre l’inacceptable avec toujours cette incompréhension, ces questionnements, ces regrets et cet énorme vide…

Plusieurs choses m’ont aidées et m’aident encore aujourd’hui.

Tout d’abord j’ai instinctivement su ce qu’il me fallait faire : « Nous comptons sur vous pour nous aider » disait le faire-part envoyé par email le soir même. La réaction a été immédiate et le soutien immense ; famille, amis et collègues se sont relayés et je me suis laissé porter par cette compassion humaine qui m’a souvent touchée par sa sincérité… Et lorsqu’elle était maladroitement exprimée, j’ai appris à ne retenir que l’intention…

Dès le lendemain du départ de Ianis, j’ai répondu à l’appel de ses amis réunis et je suis allée les retrouver. Je me sentais tellement responsable vis-à-vis de cette quinzaine de copains…

Ils ont pleinement participé aux funérailles et nous avons gardé le contact. Leur présence me réconforte car je sais que nous pleurons le même être cher. Les soirées passées ensemble me font revivre Ianis et me permettent d’entendre des anecdotes auxquelles je n’aurai plus accès via lui…

Ce qui m’a aussi aidée pendant cette première année c’est d’avoir pu régulièrement déposer mon fardeau auprès d’une personne formée à l’accompagnement au deuil du Centre de Prévention du Suicide. Ils ont également pu apporter une aide précieuse à ma fille, me soulageant du même coup. La présence du frère et de la sœur de Ianis m’a forcée à aller de l’avant mais leur souffrance s’ajoutait à la mienne.

Enfin, j’apprécie avoir trouvé un lieu (auprès de l’association Parents Désenfantés) où je peux rencontrer d’autres parents qui ont perdu un enfant dans les mêmes ou dans d’autres circonstances… Ces échanges sont réconfortants ; il y a souvent entre nous une compréhension immédiate qui à la fois se passe de mots et, au contraire, ne fuit pas devant les mots…

J’ai lu des livres sur le deuil, quelques témoignages et j’ai pris des notes pour marquer les étapes de mon cheminement.

Et finalement, je dois beaucoup à mon nouveau compagnon de route pour son soutien inconditionnel. Il n’est pas le papa de Ianis mais il l’a bien connu et aimé.

Fiona



Pierrot,
En ces jours de souvenirs, nous aurions pu rester chacun de notre côté. Mais nous avons voulu cette rencontre pour toi qui aimais tellement réunir tes amis autour de toi. Nous pensons que tu apprécieras cette manière de penser à toi, tous ensemble.
Voilà un an que nous essayons, ô combien difficilement, de nous habituer à vivre sans toi.
Mais ton absence nous est tellement présente !
Il y a ces moments de cafards monstres, de culpabilités énormes (les fameux « si »), de refus d’y croire, d’accepter, de pourquoi ? (Pourquoi toi ? Pourquoi nous ?)
Mais il y a aussi parfois, et nous espérons qu’ils deviennent de plus en plus nombreux, des moments d’accalmie où ton souvenir se fait plus paisible.
Ce qui nous aide, Pierrot, c’est d’abord l’espérance que tu sois heureux là où tu es (nous voulons y croire).
Ce sont les messages que tu nous as fait passer au court de ta trop courte vie : volonté, dynamisme, générosité, charité…
C’est surtout ta présence intérieure à chaque instant, en chacun de nous : tu nous envoies la force nécessaire pour tenter de vivre au mieux sur cette Terre notre vie humaine ; et nous savons que, lorsque notre tour viendra, tu seras là pour nous accueillir, les bras grands ouverts, avec ton sourire si particulier !
Ce qui nous aide aussi, Pierrot, c’est l’évocation de souvenirs heureux et de joies que nous avons vécus avec toi ; avec toi et tes petits frères aussi : Lorent et Arnaud sont tellement importants pour nous, ils nous redonnent confiance dans la vie.
Ce sont encore toutes ces personnes autour de nous qui t’aiment et nous aiment, qui nous disent qu’ils pensent à toi, à nous ; qui nous parlent de toi et nous permettent de leur parler de toi…
Car, pour nous, Pierrot : « Parler de toi, c’est te faire exister. Ne rien dire, serait t’oublier ».
Merci d’avoir été « toi » PIERROT !

Francine



David : Janet et moi avons deux enfants. Jonathan, notre fils qui a vingt-six ans et qui habite l’Angleterre avec sa femme, Jane. Et Eleanor, notre fille, qui est décédée il y a douze ans à l’âge de vingt-trois ans, à la suite d’un cancer.
Janet : Oui, en effet, il y a douze ans depuis la mort de notre fille, Eleanor, et c’est vrai que chaque anniversaire me mène à une longue réflexion. Et c’est vrai que son absence me fait toujours mal. Ces dernières semaines je me suis rappelée de cette saison, il y a douze ans, un temps que nous vivions avec la connaissance qu’Eleanor avait un cancer très agressif, et elle continuait malgré tout à avoir une très bonne qualité de vie, alors qu’elle allait probablement mourir dans quelques mois … Je savais à ce moment-là que ma tâche était de l’accompagner jusqu’à la fin de sa vie… La question m’est venue, «Mais comment est-ce que ça va être pour nous, après sa mort ?»… La réponse à cette question se trouve dans tout le chemin que nous avons fait depuis lors jusqu’à maintenant.
Tout de suite après la mort d’Eleanor, nous étions bien entourés par les amis et les connaissances. Ce n’était que cinq mois après, quand ces personnes ont repris leurs propres distances et recommencé leurs ‘vies normales’ que je me suis rendu compte de la réalité de sa mort. Nous ne pouvions pas faire ainsi – notre vie ne sera plus jamais la même qu’avant. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à me sentir abandonnée, très, très seule, sans espoir. Je cherchais – quoi, je ne le savais pas – mais je cherchais et j’ai raconté mon histoire à n’importe qui, au coiffeur, au dentiste, au marchand de légumes, un peu partout. Et puis, un jour, j’ai rencontré comme ‘par hasard’, une soeur d’Anne-Marie Thiran, et elle m’a demandé si je voulais le numéro de téléphone d’un groupe de parents qui ont perdu un enfant. Je n’avais jamais imaginé qu’un tel groupe pouvait exister mais j’ai pris le numéro et j’ai tout de suite pris contact. Je savais que j’avais besoin de parler de ma tristesse, de mon chagrin, et j’ai annoncé à David qu’il nous était possible d’être accueilli, par d’autres parents désenfantés.
David : J‘ai dit, «Oui, je vais t’accompagner pour te soutenir, mais moi, je n’ai pas besoin de ça»… Mais, j’ai découvert que si je n’avais pas besoin de parler, ça me faisait du bien d’être avec d’autres parents qui ont vécu la mort d’un enfant. Et, je reviens toujours, même après douze ans. J’ai évolué et, maintenant, je fais partie de l’équipe. J’ai trouvé un nouveau sens dans ma vie. J’ai trouvé que les personnes sont plus importantes que ma carrière, et j’ai donné une nouvelle priorité à ma vie. J’ai appris la différence entre faire et être. Je me sens de plus en plus être David, le mari de Janet, le père d’Eleanor et Jonathan. Et je me sens être avec chacun de vous dans notre évolution.
Janet : Alors, vous voyez que nous sommes venus au groupe non seulement en fonction d’une même expérience, la mort de notre enfant, mais aussi à partir d’une différence de nos besoins. Et puis, à partir de ça, nous avons découvert beaucoup de différences entre nous, bien sûr pas toujours faciles à accepter. Mais avec le soutien du groupe, nous avons pu les exprimer et, au fur et à mesure, nous nous connaissons de mieux en mieux. Nous nous apprécions autrement, et nous découvrons une autre manière, plus profonde, de nous aimer et d’aimer les autres. C’est en suivant ce chemin de deuil, si souvent douloureux et ardu, avec ses hauts et ses bas, dans le partage vrai avec d’autres parents, que nous avons découvert et que nous découvrons encore chaque jour une autre qualité de vie.

Janet et David



Julien, 18 ans, étudiant en sciences biomédicales est décédé le 2 juillet 2011.
Julien, donneur de foie, du cœur, des poumons et des reins.
Donneur de vie choyé secrètement. TU VIS !!!!

Lettre écrite par Marie-Jeanne, Maman de Julien et envoyée aux 6 receveurs du don d’organe.

A vous,

Nous espérons que vous vous portez bien.
Nous sommes sincèrement reconnaissants d’avoir la possibilité de communiquer avec vous. Le fait de pouvoir vous écrire à propos de J. nous aide à surmonter le vide qui est là au plus profond de nous.

Julien était un garçon très chaleureux. Au cœur de la jeunesse, il a développé une multitude d’intérêts : il était un nageur expérimenté, et pratiquait d’autres sports; il lisait énormément et était devenu un excellent étudiant; de plus, il était entouré d’un cercle d’amis très proches avec qui il pouvait partager et s’engager dans les aventures les plus passionnantes et diverses.

Dans les derniers moments de vie de notre fils, les professeurs médecins ont abordé assez rapidement avec nous cette question avec un grand et profond respect.
Cette question de la donation de ses organes avait été préparée minutieusement par l’équipe pluridisciplinaire qui était à son chevet.
Sans l’ombre d’un doute, son don d’organes signifiait pour nous, la continuation de la prunelle de nos yeux.
Car, un garçon en pleine jeunesse ne peut pas simplement mourir, il ne peut pas soudainement disparaître dans les brumes du souvenir.
Que vous portiez une partie de la prunelle de nos yeux en vous, fait que vous partagez aussi nos souvenirs qui peuvent vous aider à trouver un nouveau chemin dans la vie.

L’accord a été donné spontanément car Julien était de nature si généreuse que cela ne pouvait que contribuer à lui rendre hommage.
Néanmoins, nous serions heureux de recevoir un signe de vie…
Serait-ce possible pour vous de trouver la gentillesse dans votre cœur et de nous offrir ce rêve…
Nous nous réjouirions de recevoir un petit mot de votre part !
– Si vous êtes un enfant, un dessin aura sa place d’honneur chez nous ;
– Si vous êtes un adolescent, pouvez-vous partager vos intérêts avec nous dans une lettre ?
– Si vous êtes un adulte et que vous avez des enfants, pourriez-vous partager un peu cela avec nous ?

J’espère que nous pourrons sympathiser malgré l’extrême gravité de l’expérience de vie, mais aussi de sa grande richesse.

Comme c’est incroyable de “voyager d’une vie à l’autre”, comme ce serait beau, après le décès de la prunelle de nos yeux, de recevoir un nouveau signe de vie.
Nous espérons que tout va pour le mieux pour vous, et, oserions-nous dire :
“Prenez bien soin de vous” et vous souhaiter encore une belle et longue vie.

Avec grande gratitude, et très chaleureusement.

Marie-Jeanne



Nous étions comblés, entourés de nos trois enfants, deux filles et un garçon, ainsi que cinq petits-enfants (quatre garçons et une fille). Le 26 juillet 1995, Eric, notre fils de trente ans meurt brutalement, c’était son choix. Il n’arrivait plus à surmonter ses problèmes !
Cette séparation fut terrible !
Parviendra-t-on à survivre à un tel drame ?
Grâce à l’entourage de nos familles, grâce à l’entraide de nos équipiers de l’Équipe Notre-Dame (E.N-D) et grâce à de nombreux amis, sans oublier «Parents désenfantés», nous réussissons à remonter la pente et nous percevons une lueur d’espoir, accentuée par la joie de voir naître une petite fille.
Mais cet espoir est de courte durée.
Le décès d’Eric m’a ébranlé et ma santé se détériore.
Une cirrhose du foie, provoquée par une transfusion sanguine, me contraint à une greffe totale. Une nouvelle épreuve à affronter.
L’amour et la présence de Ninette me sont d’une aide inestimable.
Me sentir aimé d’elle et de tous mes amis m’a aidé à tenir bon, avec des moments de découragement, car l’attente d’un foie fut très pénible.
Enfin, le 7 février 2001, le jour «J». Une nouvelle lumière pointe à l’horizon. La joie et le bonheur commencent à montrer le bout du nez, malgré les grandes souffrances induites par l’opération qui dura plus de huit heures et par vingt-quatre heures d’anesthésie.
Après tout cela, on renaît à la vie, c’était vraiment le bonheur.
Pour moi, la vie est le plus beau cadeau qui nous soit donné.
Et au bout de tout cela, la joie et le bonheur nous attendent, surtout si on se sent aimés.
Nous sommes mariés de puis 42 ans et nous cheminons toujours la main dans la main.
Merci à Ninette d’avoir été toujours à côté de moi.
Vive la vie.
Notre situation de parents meurtris au plus profond de nous-même doit nous permettre d’être encore heureux dans la vie, mais… d’une autre façon.

Mathieu


Je suis particulièrement heureux au début du printemps, période où la nature se tourne vers le retour de la lumière avec une forte envie de revivre.
Marié à 23 ans, j’ai vécu en peu de temps les naissances douloureuses de deux enfants mort-nés.
J’ai aujourd’hui 44 ans et je viens enfin de sortir du monde du silence dans lequel j’avais enfoui ma souffrance. Je me rends compte que pendant près de vingt ans, je me suis résigné à obéir à la consigne : «On ne parle plus de tout ça !».
Et, j’ai essayé d’oublier, à un point tel que je suis incapable de préciser les dates anniversaires des deux décès.
Mais la souffrance, ça ne s’oublie pas !
Aujourd’hui je parle de ma vie, de mes sentiments, et je surprends, je dérange ou parfois je rassure mes interlocuteurs, mais l’essentiel pour moi, c’est de savoir qu’il y a des gens qui acceptent et respectent mon besoin de parler, mes souffrances et mes larmes.

Michel



Bonjour,

Au départ, j’avais dit que je ne dirais plus jamais ce mot «Bonjour»… Parce qu’aucun jour ne pourra plus jamais être bon. Alors je disais «Salut» et quand on me demandait «Comment vas-tu?» Je répondais «Je fonctionne». Oui parce qu’il n’y avait rien d’autre à répondre. Je n’allais pas, je n’allais nulle part. Toutes les issues étaient bouchées et inintéressantes. Alors je me contentais de fonctionner et c’était déjà là une grande et belle victoire. Un pas se mettait devant l’autre, ma respiration continuait à gonfler mes poumons, je mangeais, buvais, clignais des paupières… Tout fonctionnait, en apparence… Mais au-dedans c’était le cataclysme.

J’ai perdu ma fille le 04 mars 2010. Elle n’avait que 17 ans. Ce matin là, je me suis étonnée, qu’elle, si prompte à se lever pour aller aux cours, ne répondait pas à l’appel continu de son alarme GSM qui entonnait inlassablement «don’t worry be happy». J’ai voulu aller la faire lever… sa porte close m’a alertée… J’ai alors pris le double de la clé dans ma table de nuit et j’ai ouvert sa chambre pour la découvrir recroquevillée dans son lit. Ce n’est que quand je me suis approchée d’elle et ai vu qu’elle avait vomit que j’ai eu la certitude que c’était grave. (Non, on ne veut pas croire à ça… on ne l’admet pas… il faut être face à l’évidence pour finalement comprendre que…)

Ensuite, une succession d’événements en mode automatique… Poser les gestes d’urgence… être efficace tant que faire ce peut… Mais trop tard… Ma fille, mon bébé… ma meilleure amie. Celle avec qui j’avais plaisir à tout faire. Celle qui me gâtait et que j’avais tant de bonheur à gâter… La complice de tous mes moments de vie, cet être dont j’étais totalement dépendante était mort.

Elle a pris des médicaments. Médicaments qu’elle stockait dans sa chambre depuis des mois… Je ne l’ai su que trop tard. Elle me les volait, un par un pour que je ne remarque rien et les gardait en prévision du jour où elle déciderait de faire le pas. Plus tard, j’ai trouvé des écrits où il apparait qu’il s’agit là d’un choix réfléchi, préparé. Mais jamais, ni à moi, ni à ses amies, elle n’a laissé paraitre ses funestes intentions.

Au contraire, c’était une jeune fille pleine de joie, pleine d’enthousiasme et de sympathie. Tout le monde se souvient principalement de son sourire à la Julia Robert, de ses exubérances et de ses délires qui parfois rendaient fou. Bien entendu elle avait des problèmes d’ado… (Les disputes avec les copines, la sensation d’être la cinquième roue de la charrette, les peines de cœur) en plus des difficultés de la vie… (La perte prématurée de son papa, les difficultés relationnelles entre mon fils et moi,…).

Parfois, elle dévoilait un pan de son coté sombre. J’ai su qu’elle se mutilait et j’ai tenté de l’aider et de trouver soutien auprès d’un psychiatre qui à conclu la seule et unique séance qu’il lui a accordée en lui disant qu’elle était une ado tout ce qu’il y avait de plus banal. Plusieurs fois, après cet épisode, elle m’a dit vouloir consulter un autre psy… J’ai pris RDV avec la psychologue qui l’avait suivie après le décès de son papa, mais elle ne voulait plus se confier à cette dame disant qu’elles avaient fait le tour du problème.

Alors que j’étais en attente d’un contact afin de fixer un autre rendez-vous… elle est passée à l’acte.

Bien sur je m’en veux… Je m’en veux terriblement. Il ne peut pas en être autrement dans le cas d’un suicide. Tout devient sujet à culpabilisation. Ais-je posé les bons gestes au bon moment? Ais-je réagi judicieusement face à telle ou telle situation? N’ai-je pas fait les mauvais choix? Lui ais-je dis assez «je t’aime»? Il n’y à pas une question remettant la faute sur moi qui ne m’a pas accablée. La froideur que je lui ai manifestée la veille de son suicide suite à un léger accroc n’a-t-il pas pris pour elle des proportions insupportables au point de décider partir ainsi?…

Perdre un enfant c’est une catastrophe nucléaire. Ma fille était ma source d’énergie. Elle alimentait tout mon environnement en chaleur, en lumière, en tout… Elle était mon noyau atomique… En une fraction de seconde, cet univers à explosé. Tout autour était irradié d’une peine incommensurable. Tout autour était altéré à jamais et contaminé par un chagrin indescriptible. Le monde tout autour de ma fille a été atteint par cette catastrophe à des kilomètres à la ronde. Nous sommes nombreux à s’être retrouvés sans cette énergie qui régissait notre vie et de laquelle nous étions devenus totalement dépendants. Sans cette énergie… comment continuer à vivre?

Et pourtant, l’instinct de survie de l’humain est quelque chose d’incroyablement puissant et même sans cette source, malgré l’horreur des évènements, leur soudaineté et tout ce que cela implique de remise en question, de doutes, de souffrance et de culpabilité… on fonctionne toujours. Malgré notre volonté de rejoindre notre bébé, malgré cette impression de ne jamais pouvoir, ni même de vouloir, se relever de cette épreuve… Incroyablement et sans pourtant aucune volonté de le faire, on coule un sarcophage de plomb sur sa peine, pour protéger au maximum ceux qui restent des radiations de notre profond désespoir.

Puis un jour, alors que tout n’est que destruction et désolation en nous, une pousse, un germe, quelque chose de vivant apparait. On se rend compte que la vie est toujours là. Ça peut prendre des mois, des années, ça peut paraître odieux, mais c’est là et ça nous gagne petit à petit…

Aujourd’hui, je souffre moins. Je souffre toujours bien entendu et chaque chose que je fais ou que j’éprouve est accompagnée d’une pensée pour mon enfant décédé prématurément, tragiquement et de façon si inattendue. Mais je vis et je peux même dire maintenant que je vais.

J’ai repris des études que j’ai réussies avec distinction. Pour moi, mais aussi pour ma fille qui ne s’est pas donné la chance de réussir les siennes alors qu’elle avait un avenir prometteur. Et je recherche maintenant activement un emploi pour aller vers une autre vie, une vie différente… mais une vie quand même (qu’il ne tient qu’à moi de rendre la moins pénible possible).

Cette vie est fondamentalement différente maintenant. Cette épreuve abominable a fait le vide de certaines personnes, en a approché d’autres. Cette situation effraye, fait fuir. Personne ne veut être confronté à ça et voir des proches (ou moins proches) vivre ce malheur. Cela nous renvoie au fait qu’aucun parent n’est à l’abri d’une telle tragédie. Mais on ne veut même pas y penser. Puis la peine met mal à l’aise… Dans cette société où tout (ou presque) et transmis par le plat d’un écran, les aspérités humaines gênent. Tout devrait être lisse pour ne pas déranger. On ne pleure plus, c’est indécent. Moi j’exige le droit de pleurer ma fille. Je revendique le droit d’avoir du relief. Certaines personnes le comprennent, d’autres pas.

Être compris dans notre malheur est parfois peine perdue. Même moi, qui l’ai vécue, ne ressent plus ma peine passée de la même manière. Quand je relis mes écris des moments les plus durs de mon deuil, je lis ça sans intégrer pleinement la charge de douleur que ça représente. Je suis déjà à 100 000 lieues de la douleur ressentie à ce moment là. Alors quelqu’un qui ne l’a pas vécue, comment pourrait-il comprendre? Il peut juste nous entendre… être là. Et ça c’est déjà important!

Ma fille n’avait que 17 ans; quand elle s’est suicidée; je m’en veux mais je remonte la pente; j’en veux à certaines personnes mais je m’en défends en me disant que la haine et la rancœur que je peux éprouver envers d’hypothétiques responsables du suicide de ma fille ne me la ramèneront de toute façon pas. Et je m’en sors petit à petit… (Comme tout dépendant… un jour à la fois). J’interprète son geste comme étant un choix de voyage vers une destination inconnue qu’elle se réjouissait de faire et je tente au maximum de m’apporter des moments, si pas de bonheur, au moins de plaisir. Et parfois, a nouveau, j’y parviens.

Muriel

Pascale, notre quatrième enfant, est décédée d’une maladie inconnue, à l’évolution rapide. Nos trois autres enfants étaient là, à la clinique, ce jour-là, près d’elle. A l’époque de son décès, nos enfants avaient déjà quitté le toit familial, pour vivre leur vie.
Quatre ans plus tôt, notre couple avait divorcé.
Le déchirement et l’énorme douleur occasionnés par la disparition de Pascale à 24 ans, je l’ai vécu comme une «implosion» ou une «explosion souterraine». Écrasé par la douleur, je pense être resté enfermé et sans communication suffisante par rapport aux autres enfants…
Bien que vivant avec ma compagne, j’ai ressenti l’écrasement dans notre maison où tous les murs, les portes, les escaliers rappelaient la vie antérieure avec les enfants dans la maison. Je revis ces cris et paroles d’enfants, puis d’adolescents, et bien sûr, tout particulièrement ceux de Pascale… Sa chambre, c’était son monde… Je veux dire par tout cela, que la cellule familiale étant déjà disséminée, je n’ai pas pu parler aux enfants comme je l’aurais voulu, sans doute… Alors, ce n’était qu’occasionnellement, lors d’une visite ou d’un coup de fil, que nous parlions. Cela m’a paru, le plus souvent, trop court pour se dire à cœur ouvert. C’est comme si la souffrance, à fleur de peau, colmatait les échanges qui ‘auraient pu’, qui ‘auraient dû’, être plus vrais, plus profonds… Je le vivais comme cela… Ce n’est pas que rien ne se disait, mais cela me semblait ‘si peu’ par rapport à l’ampleur de la douleur, tant la mienne que la leur. Des idées me passaient par la tête : «je ne veux pas m’appesantir sur eux» ou «je veux me montrer courageux», ou encore «je risque d’attiser leur propre tristesse».
Encore maintenant, trois ans après, je me sens partagé entre le désir de parler de l’absence de Pascale, librement, en confiance et échanger nos sentiments et souvenirs, et une certaine retenue qui respecte le secret de chacun dans le chemin de son deuil… Peut-être ont-ils, eux aussi, des lieux de parole avec des proches, des amis, tout comme moi, j’ai pu en trouver et bien sûr dans «Parents Désenfantés». Je n’ai donc pas trouvé l’apaisement par rapport à cette communication et mon cœur oscille tantôt dans la nostalgie d’une proximité utopique et illusoire du passé et une tentative d’assumer, dans la réalité, cette éventuelle frustration, dans l’acceptation de ce qui peut se dire au jour le jour. De toute façon, je me sais ouvert à ce qui pourrait surgir de nouveau dans notre relation, car je garde le désir, bien vivant, d’une vraie communication avec mes enfants, comme elle se vit concrètement actuellement dans plusieurs facettes de notre affection familiale.

Philippe



Cette nuit j’ai rêvé de toi, tu conduisais ma voiture, je te disais d’aller moins vite et tu n écoutais pas.
Tu as pris un petit chemin le long d’un fleuve et on a eu une sortie de route ; je disais j’espère que la voiture n’est pas trop abîmée.
Toi tu ne parlais pas tu souriais.
Je me suis réveillée et j’ai réalisé que j’aimerais que mon rêve n’en soit pas un.
Jean-Baptiste, c’est tellement bon et tellement dur de te voir dans mes rêves.
Tu me manques tellement. J’aimerais que tout redevienne comme avant.
Avant ce putain de dimanche 27 avril ce jour là où tu as perdu la vie.
Ce jour là où j’ai perdu mon petit garçon.
J’aimerais tant ne pas devoir cacher ma peine.
J’aimerais ne pas devoir faire semblant, j’aimerais que tu reviennes que ce soit juste un cauchemar…
Je t’aime Jean-Baptiste.

Mireille